Les membres de l’Action mondiale des parlementaires (PGA) accueillent positivement les efforts de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de ses Etats Membres qui ont finalement permis la semaine passée un transfert pacifique du pouvoir en Gambie.
M. Yahya Jammeh – qui était à la Présidence du pays depuis 1994 – avait en effet perdu les élections du 1er décembre 2016 en faveur de M. Adama Barrow. M. Jammeh a immédiatement concédé sa défaite dans une déclaration publique, avant d’annoncer le 10 décembre qu’il rejetait désormais les résultats – ce qui a incité les membres de PGA à adopter une résolution durant le Forum annuel de PGA se tenant alors à Dakar, l’exhortant à accepter les conséquences du processus démocratique tenu en vertu de la Constitution de Gambie. Contestant l’indépendance de la Commission électorale, Yahya Jammeh avait déclaré qu’il engageait un recours devant la Cour suprême. Les préoccupations de la communauté internationale avaient été aggravées lorsqu’il prit la décision de nommer plusieurs officiers à des positions clefs au sein de l’armée. En outre, des journaux avaient été interdits et l’accès aux réseaux sociaux coupé.
Face à cette crise, la CEDEAO a apporté son soutien au Président élu Barrow et, après l’échec des efforts de médiations, a lancé un ultimatum au dirigeant autoritaire gambien, lui intiment de quitter le pouvoir avant le 18 janvier 2017 ou de faire face à une intervention militaire régionale. Cette décision a reçu le soutien des Etats Unis d’Amérique, de l’Union européenne, de l’Union africaine (AU), et du Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU), bien qu’aucune autorisation formelle d’utiliser la force en vertu de l’article 42 de la Charte des Nations Unies n’ait été donnée. Bien que la plupart des membres de son gouvernement aient démissionné, M. Jammeh semblait déterminer à se maintenir au pouvoir et, le 18 janvier – deux jours avant la fin légale de son mandat – il a déclaré l’état d’urgence dans le pays. Cette mesure a été suivie par un vote du Parlement étendant son mandat pour six mois.
Le 19 janvier, M. Barrow a prêté serment à l’Ambassade gambienne de Dakar (Sénégal), où il s’était réfugié, pendant que les troupes de la CEDEAO entraient en Gambie sans aucune résistante de l’armée nationale. En parallèle, les dernières tentatives de médiation menées par Alpha Condé et Mohamed Ould Abdel Aziz, Présidents respectivement de Guinée et de Mauritanie, ont finalement porté leurs fruits et Yahya Jammeh a annoncé sur la télévision nationale durant la nuit du 21 janvier qu’il acceptait de se retirer. L’ancien Président a quitté Banjul le 21 janvier pour Malabo (Guinée équatoriale), permettant ainsi au nouveau Président de préparer son retour en Gambie.
PGA salue la CEDEAO pour son leadership dans cette situation et la résolution pacifique d’une crise qui aurait pu causer de grandes souffrances à la population civile. En vertu des chapitres VII et VIII de la Charte de l’ONU, l’organisation régionale et ses membres ont avec succès utilisé la menace de l’usage de la force en réponse à une menace à la paix et la sécurité internationales que représentait le risque de guerre civile en Gambie. Cette coopération sous-régionale a porté ses fruits et prévenu la commission de crimes internationaux.
PGA salue également Président Adama Barrow ainsi que Vice-Présidente Fatoumata Tambajang et partage les espoirs du peuple gambien que le nouveau gouvernement transformera le pays en nation respectueuse du droit international et attachée aux droits humains et à la lutte contre l’impunité. Que M. Jammeh reste en Guinée équatoriale, cherche asile ailleurs ou rentre en Gambie, un tribunal compétent devra conduire des enquêtes sur toute allégation de violation grave des droits humains qui aurait caractérisé son long régime, en vertu du droit applicable.
Bien que tous les détails de l’accord conclu entre les parties ne soient pas encore connus, un communiqué conjoint de la CEDEAO, l’UA et l’ONU (en anglais) a été rendu public et encourage le gouvernement de Gambie à « garantir qu’il n’y aura aucune intimidation, harcèlement et/ou chasse aux sorcières contre les membres et supporters de l’ancien régime » et les autres pays à « s’assurer que […] le Président Jammeh et sa famille ne deviennent pas l’objet de mesures injustifiées de harcèlement, intimidation ou toute autre pressions et sanctions » (notre emphase). PGA est préoccupée par la formulation de cette déclaration et souhaite souligner que, même si toute forme de persécution sur la base des opinions ou affiliations politiques ne peut en aucun cas être tolérée, des enquêtes et poursuites sur la base du droit international ne peuvent et ne doivent pas être considérées comme une « chasse aux sorcières » ou « des sanctions injustifiées ».
Président Adama Barrow s’est d’ores et déjà engagé à créer une Commission vérité et réconciliation. Les membres de PGA accueillent cette décision mais soulignent la nécessité pour le nouveau gouvernement d’accepter et respecter ses obligations internationales et le droit des victimes à obtenir justice et réparations pour les crimes de droit international. Pour ce faire, PGA exhorte la Gambie à faire cesser le processus de retrait du Statut de Rome de la Cour pénale internationale – processus initié par Yahya Jammeh en octobre 2016 et qui prendra effet le 10 novembre 2017. Comme ils l’ont réitéré dans le Plan d’action de Dakar adopté durant la 9ème Assemblée consultative des parlementaires sur la Cour pénale internationale et l’Etat de droit (CAP-ICC), les membres de PGA sont convaincus que l’adhésion au Statut de Rome est une mesure cruciale dans la prévention des atrocités de masse, dans la mesure où « l'impunité pour les auteurs d'atrocités internationales ne conduit qu'à augmenter la probabilité de la commission de nouveaux crimes aussi horribles».
En tant qu’élu d’un pays qui fait également face à une élection délicate, je ne pourrais être plus heureux que le peuple gambien ait pu faire entendre sa voix et que la transition ait été pacifique. Il s’agit d’une grande réussite pour l’Afrique et cela devrait servir d’avertissement aux autres chefs d’Etat qui seraient tentés de se tenir au pouvoir au-delà de leur mandat. J’en appelle à mes collègues gambiens de renouveler leur attachement aux valeurs démocratiques et aux droits humains et d’engager leur pays vers une coopération effective avec ses voisins. Hon. Dieudonné Upira Sunguma, Membre de l’Assemblée nationale de République démocratique du Congo, Membre du Comité exécutif de PGA
La résolution pacifique de la crise en Gambie est évidemment accueillie avec soulagement à travers le Sénégal et je suis très fier du leadership qu’a montré mon pays sur ce dossier. En tant que membre du Parlement de la CEDEA, je suis également ravi de voir que la sous-région a joint ses forces et ses efforts pour garantir que le sang des civils soit épargné dans l’un des Etats parties. Je demeure déterminé à promouvoir les droits humains et la justice internationale au sein du Parlement de la CEDEAO afin que cette organisation puisse montrer la voie en Afrique et dans le monde à cet égard. J’espère que mes pairs au sein du Parlement gambien en feront de même et s’assureront que la justice ne sera pas sacrifiée dans cette transition délicate. Hon. Mamadou Lamine Thiam, Membre de l’Assemblée nationale du Sénégal, Membre du Parlement de la CEDEAO, Membre du Comité exécutif de PGA
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La Haye Mlle Marion Chahuneau |