Rangée supérieure: Rozaina Adam, MP (Maldives); Dr. Hannah Neumann (Allemagne) photo: European Parliament / Daina Le Lardic; Margareta Cederfelt, MP (Suède); 2e rangée: Hon. Dorcas Sibanda, MP (Zimbabwe); Sen. Leila de Lima (Philippines); rangée inférieure: Joana Mamombe, MP (Zimbabwe); Dip. Karina Sosa (El Salvador); Alexandria Ocasio-Cortez, Rep. (États-Unis) photo: Ståle Grut/NRKbeta.
Nous avons constaté une augmentation de violations graves des droits humains et d’attaques contre nos institutions démocratiques lors de la pandémie de la Covid-19 et, en particulier, une montée inquiétante et une vague aggravée de discrimination et de violence politique contre les femmes et les plus vulnérables. Aujourd’hui, en tant que parlementaires du monde entier, nous nous réunissons afin de dénoncer la persécution, les poursuites, le sexisme, le harcèlement et toutes autres formes de discrimination et de violence contre les femmes parlementaires du monde entier. La violence sous toutes ses formes ne doit pas être utilisée comme un outil de répression contre les femmes et contre ceux et celles actifs.ves au sein des espaces politiques. Le déséquilibre et l’inégalité entre les genres comme les attaques contre les femmes, affaiblissent notre capacité à bâtir des démocraties plus fortes et des sociétés plus résilientes. Dr Hannah Neumann, eurodéputée (Allemagne),
Membre fondatrice de l’Équipe parlementaire de réponse rapide (EPRR)
Suivant des rapports récents (rapport disponible en anglais seulement) l’existence et la prévalence du sexisme, de la misogynie, de l’autoritarisme et du recul démocratique ont créé un terrain fertile pour l’institutionnalisation de la violence à l’égard des femmes en politique et contre les défenseuses des droits humains. La violence à l’égard des femmes en politique peut être physique, verbale, sexuelle, économique ; elle peut se manifester par des enlèvements, du harcèlement, des arrestations arbitraires, des viols et des attaques publiques et en ligne (qui, dans certains cas, peuvent dégénérer en agressions physiques et même mener à la mort). La lutte pour une participation pleine et entière au processus de prise de décisions politiques et à la promotion de l’ensemble des droits des femmes n’est pas sans conséquence pour les femmes, en particulier celles qui se mobilisent au sein de leur parlement afin de prendre les mesures nécessaires pour éliminer toutes les formes de violence à leur égard. Dans certains cas, la pandémie a également servi d’excuse pour restreindre la capacité des femmes à exercer leur droit fondamental de se rassembler (article disponible en anglais seulement), en particulier dans le cadre de protestations contre les politiques étatiques injustes et qui violent les droits fondamentaux.
Les femmes en politique du monde entier ont été victimes de ces attaques, qui dans de nombreux cas, ont été conduites en toute impunité. La sénatrice Leila de Lima, membre de PGA, originaire des Philippines, est un parfait exemple de cette situation. Cette femme au franc-parler et grande défenseuse des droits humains a été persécutée, décriée et incarcérée sous des accusations fabriquées de toutes pièces pour avoir publiquement condamné son gouvernement. À plusieurs reprises (articles disponibles en anglais seulement), les membres de PGA du monde entier ont demandé au régime du président Duterte de libérer la sénatrice de Lima de la prison où elle est détenue depuis plus de quatre ans. Malgré les efforts internationaux et la condamnation, la sénatrice de Lima demeure arbitrairement privée de son droit fondamental à la liberté.
En juillet 2020, la membre du Congrès américain, Alexandria Ocasio-Cortez, a non seulement été exposée à des insultes sexistes de la part de son collègue républicain, Ted Yoho, mais a publiquement déclaré qu’elle était une survivante d’agression sexuelle. Asambleísta Soledad Buendía (article disponible en anglais seulement), ancienne présidente du Groupe national de PGA en Équateur et défenseuse des droits humains, est toujours en exil après avoir reçu des menaces de mort, des attaques dans les médias, des persécutions politiques et de graves violations de son intégrité physique et psychologique.
En tant que femme et parlementaire, je ne peux me sentir plus identifiée et reliée à tous ces cas d’abus de pouvoir absolu provenant de différentes institutions politiques dans nos pays. Ces actes méprisables d’humiliation et d’intimidation contre les femmes au sein des parlements sont exactement ce à quoi nous devons nous abstenir en tant que représentant.es du peuple. Il y a de ces conduites morales et démocratiques que nous avons le devoir de respecter, quelles que soient nos différences politiques. De tels comportement entravent non seulement ce que nous, en tant que femmes, avons accompli en termes d’égalité des genres, mais portent également atteinte aux fondements les plus intrinsèques de nos démocraties et l’État de droit. Hon. Rozaina Adam, MP (Maldives),
Présidente, EPRR
La pandémie de la Covid-19 a vraisemblablement déclenché de nouvelles violences en ligne contre les femmes travaillant au sein des parlements via les médias sociaux et autres plateformes. Dans une déclaration (article disponible en anglais seulement) faite au début de l’année, la législatrice britannique, Mme Maria Miller, a admis qu’en tant que députée elle « avait eu à s’habituer à un bombardement régulier de violences verbales en ligne, incluant des menaces de viol et de meurtre ». Elle a également souligné que son cas n’était pas un cas isolé et que « [p]lusieurs de ses collègues de la Chambre étaient régulièrement ciblées en ligne par des commentaires abusifs, sexistes, et menaçants » en rajoutant que « comme l’a démontré Amnistie internationale, les femmes parlementaires noires sont plus susceptibles d’être soumises à des abus inacceptables et même illégaux. » Le 9 mars 2021, Roberto Carlos Silva, un célèbre « YouTuber » au Salvador et militant du parti politique Nuevas Ideas, a été arrêté (article disponible en espagnol seulement) après avoir harcelé, proféré des menaces physiques et exprimé de la violence contre l’ancienne membre du Comité Exécutif de PGA, la députée Karina Sosa.
En Biélorussie, la principale campagne présidentielle de l’opposition organisée en pleine pandémie par Mme Sviatlana Tsikhanouskaya, a été l’un des défis les plus considérables pour la réélection d’Alexandre Loukachenko et la démocratie dans le pays. À cette occasion, le président Loukachenko a délibérément ciblé des femmes militantes, des femmes en politique et des membres de leur famille de sexe féminin, en les menaçant de représailles basées sur leur genre, incluant des menaces de violences sexuelles. Selon la Fondation électorale pour les systèmes électoraux (IFES, en anglais), « la violence à l’égard des femmes en temps électoral représente une menace pour l’intégrité du processus électoral – cela peut affecter la participation des femmes en tant qu’électrices, candidates, agentes électorales, militantes et chefs de partis politiques et affaiblit le processus démocratique libre, équitable et inclusif. »
Malheureusement, malgré un progrès mitigé dans la promotion de l’égalité des genres et de la participation égale des femmes au niveau parlementaire, ces attaques se poursuivent avec une tendance inquiétante à la systématisation des comportements discriminatoires.
Au plus fort de la pandémie mondiale en mars 2020, la Cour suprême du Zimbabwe a jugé que l’accession au pouvoir du parti de l’opposition, le « Mouvement pour le changement démocratique » (MDC, en anglais) était irrégulière. Évoquant cette décision de la Cour pour toute justification, le gouvernement a retiré du Parlement certain.es député.es de l’opposition, incluant la membre de PGA et Présidente du Groupe national de PGA au Zimbabwe, l’hon. Dorcas Sibanda.
Le 26 avril 2021, l’Équipe parlementaire de réponse rapide (EPRR) a reçu une demande urgente portant sur une situation de torture, d’abus sexuels et d’autres violations des droits humains commis contre des femmes parlementaires et militantes du MDC au Zimbabwe. L’affaire implique l’hon. Joana Mamombe et deux militantes de l’opposition, Cecilia Chimbiri et Netsai Marov, enlevées l’année dernière par les forces de sécurité à la suite de leur participation à une manifestation lors d’une mesure de confinement imposée pour la Covid-19. D’après leur témoignage, les policiers les auraient torturées, agressées sexuellement, les auraient forcées à boire leur urine entres elles pour ensuite les abandonner dans une zone rurale où elles ont été retrouvées gravement blessées et traumatisées. À la suite de ces événements, elles ont été arrêtées pour avoir simulé leur enlèvement et menti sur les actes de torture qu’elles auraient subis, et ont été placées en détention provisoire.
Les trois femmes n’ont pas été arrêtées seulement à cette occasion. En effet, au mois de mars de cette année, l’hon. Mamombe et Mme Chimbiri ont été arrêtées de nouveau (article disponible en anglais seulement) pour violation des mesures afin de contenir la Covid-19. Alors qu’elle était en prison, l’hon. Mamombe a été emmenée à l’hôpital suite à une douleur aiguë à l’estomac. Cependant, malgré son état de santé critique, cela n’a pas empêché des agents de la retirer de l’hôpital sans autorisation préalable des médecins (article disponible en anglais seulement). À la suite de multiples comparutions devant le tribunal et de demandes de libération sous caution refusées à plusieurs reprises, le 5 mai 2021, l’hon. Mamombe et Mme Chimbiri ont finalement été libérées avec une caution de 20,000$ ZBD (article disponible en anglais seulement) chacune, et sous condition de respecter des restrictions très strictes.
Le recul démocratique au Zimbabwe a attiré l’attention de la communauté internationale. L’année dernière, les Nations Unies ont publié une déclaration demandant aux autorités de poursuivre les auteurs et de mettre fin aux actes d’enlèvements, de torture et de violence sexuelle à l’égard des femmes, tout en exhortant d’adopter une politique de « tolérance zéro » pour de tels crimes odieux. Le 28 avril 2021, le vice-Président du Parlement européen et Président du Groupe des membres de PGA au Parlement européen, M. Fabio Massimo Castaldo, a soumis deux questions extrêmement importantes à la Commission européenne et au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) afin de reconnaître la situation de la Présidente du Groupe national de PGA au Zimbabwe, la députée Dorcas Sibanda, et des autres législateurs.trices persécuté.es et destitué.es du Parlement.
Ce qui arrive à mes collègues Joana, Cecilia et Netsai est scandaleux. Le fait que Joana ne soit pas autorisée à recevoir un traitement médical approprié est une violation flagrante de la constitution zimbabwéenne, qui prévoit en vertu de l'article 50(5)(d) que chaque détenu.e a droit à des conditions de détention conformes à la dignité humaine, incluant un traitement médical. De plus, le non-respect de ce droit fondamental est une grave violation des conventions internationales auxquelles notre pays est partie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte africaine des droits humains et des peuples et la Convention des Nations Unies contre la torture.
Depuis que l’Union nationale africaine du Zimbabwe (ZANU-PF, en anglais) a pris le pouvoir suite au coup d’État de 2017, les Zimbabwéens et Zimbabwéennes ont vu restreindre leurs droits les plus fondamentaux. Il y a eu une érosion considérable de la démocratie dans mon pays et la branche exécutive a réussi à prendre le contrôle de la branche législative et judiciaire, violant de ce fait le principe de la séparation des pouvoirs. Hon. Dorcas Sibanda, MP (Zimbabwe),
Membre fondatrice de EPRR
Les femmes parlementaires apportent des compétences et des perspectives variées ainsi que des différences structurelles et culturelles qui contribuent à une résolution de problèmes plus créative et à une représentation plus juste du peuple. Les attaques contre les femmes parlementaires constituent un obstacle sérieux au développement des sociétés. La participation active, pleine et entière des femmes à la prise de décision au sein des parlements, sans contraintes ni crainte de répression, est essentielle à la paix, à la démocratie et au développement durable :
La participation des femmes peut non seulement mener à des réformes législatives globales pouvant lutter contre la violence à leur égard, mais peut également mener à une plus grande surveillance et un contrôle de la part du gouvernement – comme nous l’avons vu en Espagne lorsque les membres du Congrès ont créé un sous-comité de la Commission sur l’égalité chargé de surveiller l’application de la Loi organique de 2004 sur les mesures de protection intégrées contre la violence basée sur le genre.
Leur participation peut également contribuer à faire peser le fardeau du changement et du progrès sur les épaules des hommes. En Suède, des Membres du Parlement de différents partis ont créé un Réseau pour les hommes parlementaires suédois qui encourage les hommes à s’engager dans un débat public portant sur les valeurs, les préjugés, l’égalité entre tous les êtres humains, et surtout, à soulever la responsabilité qu’ont les hommes à s’engager dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes. »Mme Margareta Cederfelt, MP (Suède),
Présidente de PGA
Lorsque les gouvernements réduisent l’importance des conventions internationales protégeant les femmes, ce qui fut notamment le cas récemment avec le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul et la décision de la Pologne de suivre une voie similaire, nous compromettons la possibilité pour les femmes d’exercer leurs droits fondamentaux et mettons en péril la confiance portée envers les institutions démocratiques et leur crédibilité. Nous devons rappeler à nos pairs que la démocratie présuppose une participation et un partenariat véritables entre les femmes et les hommes. La démocratie ne se résume pas aux élections, aux campagnes politiques et au contrôle démocratique. La démocratie couvre un spectre beaucoup plus large qui intègre les principes d'égalité et de non-discrimination, la pleine jouissance des droits humains, la participation effective dans la sphère publique et privée, ainsi que la dignité et l'inclusion pour tous et toutes.
La force de la démocratie repose sur la capacité de nos institutions à représenter tous les groupes et sur leur accès libre et égal à tous et à toutes.