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2nde Réunion du Groupe de travail sur la lutte contre l’impunité en Afrique francophone

Des parlementaires des pays d`Afrique francophone ont envoyé un message fort confirmant leur engagement en faveur de l'état de droit et de la justice en adoptant le Plan d'action Lomé 2016.
Des parlementaires des pays d`Afrique francophone ont envoyé un message fort confirmant leur engagement en faveur de l'état de droit et de la justice en adoptant le Plan d'action Lomé 2016.

Le Groupe de travail sur la lutte contre l’impunité en Afrique francophone  a tenu sa deuxième réunion les 10 et 11 novembre 2016 à Lomé (Togo) grâce au soutien essentiel de l’Honorable Jean-Joël Kissi, Membre de PGA, et de l’Assemblée nationale du Togo. L’objectif du Groupe de travail est de promouvoir des efforts régionaux et nationaux pour la ratification et la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), de permettre l’échange d’expériences entre les parlementaires et de sensibiliser sur la nécessite de prévenir les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. La première réunion avait été organisée le 31 janvier et  le 1er février 2014 à l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire à Abidjan. Dans le contexte des retraits récents de la CPI par le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie, le Groupe de travail a également offert un forum aux participants afin de débattre des stratégies que les parlementaires à travers le continent, et en Afrique francophone surtout, pourraient développer pour soutenir activement la Cour.

La 2nde réunion du Groupe de travail a réuni des parlementaires de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale : Burkina Faso, République centrafricaine, Tchad, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo (RDC), Guinée, Mali et Sénégal, ainsi que plus d’une dizaine de membres de l’Assemblée nationale du Togo.

L’Honorable Jean-Joël Kissi, président du Comité des affaires extérieures et de la coopération de l’Assemblée nationale du Togo ; le Colonel Damehane Yark, Ministre de la Sécurité et de la protection civile du Togo (assurant l’intérim de S.E. Pius Agbetomey, Ministre de la Justice) ; l’ Ambassadeur Nicolas Martinez Berlanga, Chef de la délégation de l’Union européenne (UE) au Togo, et Dr David Donat Cattin, Secrétaire général de PGA, ont pris la parole lors de la cérémonie d’ouverture. Après une introduction de la part d’Honorable Kissi, l’Ambassadeur de l’UE a exprimé son soutien à la lutte contre l’impunité que ce soit à travers des mécanismes nationaux, sous-régionaux, régionaux, hybrides ou internationaux. Il a plaidé auprès des participants de ne pas oublier les valeurs communes et les principes des droits humains et du droit international humanitaire. Il a rappelé la nécessité de créer des coalitions contre l’impunité et de donner plein effet auxdites valeurs universelles plutôt que de s’opposer les uns aux autres. Le Colonel Damehane Yark a ensuite souligné qu’en ce qui concerne la crise que la CPI traverse, chercher à jeter le blâme n’était pas productif et que le plus important demeurait que tous les acteurs discutent afin de trouver une solution. Ladite solution inclurait inévitablement la création et le renforcement des systèmes judiciaires nationaux capables de mener des enquêtes et de poursuivre tous les crimes, tout en respectant les droits humains. L’Honorable Kissi, l’Ambassadeur de l’UE et le Secrétaire général de PGA ont exprimé leur soutien plein et entier à l’universalité et l’intégrité du système du Statut de Rome, et appelé à une coopération renouvelée de tous les Etats Parties avec la CPI et à la ratification du Statut par le Togo.

Le Groupe de travail a ensuite échangé sur des sujets spécifiques liés à la lutte contre l’impunité dans la sous-région. Du fait que les discussions prenaient pour source leurs propres expériences et la situation de leurs pays respectifs, les participants ont partagé une forte inquiétude quant à la relation entre la CPI et certains pays africains, ainsi que certaines organisations régionales telle que l’Union africaine (UA).

En effet, tous les participants ont déploré l’intention de certains pays africains de se retirer de la CPI, et ont essayé d’identifier des domaines dans lesquels les parlementaires, ainsi que d’autres acteurs pourraient agir afin de sensibiliser en faveur de la Cour et d’améliorer en Afrique le soutien des peuples, société civile et autorités nationales pertinentes à la CPI.

Le 11 décembre, les participants ont pris part à une session de Questions-Réponses avec  Monsieur Amady Bâ, Chef de la section Coopération internationale au Bureau du Procureur de la CPI. Monsieur Bâ a expliqué les principes qui guident le travail de la CPI, soulignant l’indépendance du Bureau du Procureur. Il a également réfuté les critiques soulevées concernant les idées reçues que la CPI ne cible que les pays africains. Tous les participants se sont engagés dans un dialogue fructueux et ont convenu que beaucoup de travail restait nécessaire afin de discréditer les idées fausses à l’égard de la CPI et sensibiliser en faveur du système du Statut de Rome et de la CPI. Les participants ont particulièrement apprécié l’exposé de Monsieur Bâ sur l’examen préliminaire de la situation en Guinée et sur les enquêtes de la CPI en République centrafricaine, Côte d’Ivoire, RDC et Mali, ainsi que sur la coopération efficace dont a bénéficié la Cour de la part de certains pays d’Afrique francophone, dont le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal.

A la fin de la réunion, le groupe de travail a discuté et adopté le Plan d’action de Lomé, à travers lequel les parlementaires présents se sont engagés à promouvoir la lutte contre l’impunité en Afrique francophone, tout en dénonçant les retraits du Statut de Rome.

Le Plan d’action et les résultats de la réunion ont ensuite été présentés à S.E. l’Ambassadeur Nicolas Martinez Berlanga, Chef de la délégation de l’UE au Togo, au cours d’une réunion tenue avec une délégation de législateurs de pays d’Afrique francophone. La délégation a discuté la voie à suivre afin que l’UE renforce ses efforts dans la lutte contre l’impunité en Afrique francophone. L’Ambassadeur a salué les résultats de la réunion et l’engagement en faveur de la justice internationale pris par les parlementaires. A cet égard, il a assuré de son ferme soutien pour des initiatives qui seront propices, entre autres, au renforcement du système de justice nationale et des capacités nationales. La visite de la Délégation de l’UE a permis à tous les participants d’aborder les inquiétudes persistantes exprimées par un législateur togolais, qui avait également souligné qu’il serait très difficile pour le Togo de ratifier le Statut de Rome dans l’actuel contexte problématique. La délégation de législateurs a remercié l’UE pour son engagement et a souligné l’importance du partenariat avec l’UE, tout en réaffirmant le rôle des parlementaires dans la création de solution et le développement de la volonté politique sur des questions d’intérêt général, telles que la lutte contre l’impunité.

L’Afrique, les parlementaires africains et la CPI

L’objectif principal de PGA et du Groupe de travail sur la lutte contre l’impunité en Afrique francophone est de renforcer le rôle des parlementaires, promouvant ainsi la démocratisation du processus de décision concernant la lutte contre l’impunité. A cet égard, la 2nde réunion du Groupe de travail a constitué une opportunité excellente car, non simplement le pays hôte, le Togo, n’a pas encore ratifié le Statut de Rome, mais également car il existe une nécessite impérieuse que les représentants des peuples africains se mobilisent en soutien de la CPI, particulièrement au niveau international et régional. 

Tous les participants ont exprimé les mêmes inquiétudes concernant la relation entre les Etats et les peuples africains et la CPI. Ils ont profondément déploré l’intention de certains pays africains de se retirer de la CPI et les ont invités à reconsidérer leur décision. Ils ont également proclamé leur promesse d’utiliser leurs réseaux parlementaires et d’encourager leurs gouvernements respectifs afin de s’assurer qu’aucune résolution sur le retrait de masse du  Statut de Rome des Etats africains ne puisse être adoptée par l’Union africaine en 2017.

Les parlementaires des pays qui s’étaient déjà exprimés à ce sujet lors du sommet de l’UA de juillet 2016 à Kigali (Rwanda), tels que la Côte d’Ivoire et le Sénégal, se sont engagés à soutenir leurs gouvernements respectifs afin que ces derniers maintiennent cette position forte et s’opposent à toute rhétorique anti-CPI. Les parlementaires des autres Etats ont quant à eu souligné leur engagement pour la justice et l’Etat de droit, tout en réitérant à plusieurs reprises que le retrait du Statut de Rome n’est pas la solution et n’apportera que de la souffrance à leurs citoyens.

Les parlementaires ont également appelé les acteurs internationaux, et en particulier l’UE, à considérer la lutte contre l’impunité comme un pilier central de leurs relations internationales, ainsi qu’à soutenir des initiatives de renforcement des systèmes judiciaires nationaux. Les participants ont également souligné la nécessité pour la CPI de s’engager dans un dialogue plus approfondi et plus efficace avec les citoyens africains afin de sensibiliser et de prouver que les idées reçues sur la CPI sont fausses.

Les participants ont convenu de se réunir à nouveau  pour discuter des stratégies régionales, à l’occasion de la 9ème Assemblée consultative des parlementaires sur la Cour pénale internationale et l’Etat de droit (CAP-ICC), qui a lieu les 9 et 10 décembre à Dakar (Sénégal).

La lutte contre l’impunité en Afrique francophone

Tous les participants ont réitéré leur engagement pour l’universalité du Statut de Rome et la lutte contre l’impunité. Ils ont promis de mobiliser leurs gouvernements afin que ces derniers ratifient et mettent en œuvre le Statut de Rome et ainsi promouvoir l’idéal de la justice universelle. A cette fin, ils ont reconnu l’importance de travailler avec les organisations de la société civile afin de promouvoir la CPI et de rappeler que la situation des victimes doit être la préoccupation primordiale. Les participants se sont également engagés à soutenir la ratification des amendements de Kampala sur le crime d’agression et l’activation de la juridiction de la CPI à cet égard. Ils ont également reconnu l’importance des contributions au Fond au profit des victimes, à travers lequel la CPI réalise sa fonction réparatrice.

Des membres du Parlement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont exprimé leur souhait d’utiliser leur mandat de parlementaires régionaux afin de promouvoir l’universalité et l’intégrité du Statut de Rome. Ils ont également décidé d’aborder, au sein des organisations régionales, les causes profondes des crises et des conflits qui secouent la région et qui conduisent à la commission de nombreux crimes internationaux, notamment des violences sexuelles ou basées sur le genre.

L’Honorable Reine Bertille Sakandé Benao, membre de l’Assemblée nationale du Burkina Faso et du Parlement de la CEDEAO, Présidente de la Commission genre, promotion de la femme et protection sociale et membre de PGA, a souligné que c’est la responsabilité des parlementaires de représenter pleinement et fidèlement leur circonscription et leurs droits en tant que victimes. Elle s’est notamment engagée à soutenir le travail et les conclusions des Commissions d’enquête qui ont été mises en place après l’insurrection populaire qui a eu lieu au Burkina Faso en 2014, ainsi que l’instruction des crimes internationaux, y compris l’attaque terroriste de Ouagadougou de janvier 2016.

Tout en dénonçant le retrait du Burundi du Statut de Rome, l’Honorable Paul Dehé, Membre de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et membre de PGA, a utilisé l’exemple de la Côte d’Ivoire afin de souligner que les Etats Parties devraient rester à l’intérieur du système de la CPI et régler leurs différends avec la Cour dans le cadre des procédures judiciaires existantes. La peur d’être poursuivi que certains hauts-responsables éprouvent ne devrait pas dicter le droit des victimes à la justice. Il s’est engagé à travailler en faveur de l’adoption d’une loi sur la coopération avec la CPI en Côte d’Ivoire, ainsi qu’à exiger une coopération effective des autorités avec les enquêtes et poursuites en cours devant la Cour.

L’Honorable Fodé Amara Bocar Marega, Membre de l’Assemblée nationale de Guinée et membre de PGA, a quant à lui souligné que lorsque l’impunité est mise en défaite, les chefs d’Etat vivent avec une Epée de Damoclès suspendue au dessus d’eux, ce qui explique qu’ils préfèrent rejeter la responsabilité sur les pays occidentaux. Il a insisté sur le fait que les victimes africaines n’ont souvient pas accès à des avenues légales afin d’obtenir justice et que si la CPI leur en offre une, il est alors crucial que les parlementaires se battent afin d’assurer la longévité de la Cour. Il s’est engagé à travailler avec ses pairs afin d’assurer la ratification des amendements de Kampala et de mobiliser le gouvernement guinéen afin d’assurer que, dans le cadre de l’enquête sur les évènements du 28 septembre 2009, ce dernier apporte un soutien plein entier autant aux institutions judiciaires nationales qu’à la CPI.

L’Honorable Aïssata Touré Diallo, Membre de l’Assemblée nationale du Mali, Présidente de la Commission aux affaires étrangères et membre de PGA, a tenu à souligner que la CPI souffre effectivement d’un déficit d’image en Afrique et que le problème doit être réglé. Elle a ensuite déclaré que la coopération avec la Cour demeurait cruciale à la lutte contre l’impunité. Elle s’est engagée à discuter avec ces collègues de l’objectif d’adopter une loi sur la coopération avec la CPI, ainsi qu’assurer une complémentarité effective par les jugements des crimes internationaux commis au Mali, y compris par des groupes extrémistes violents.

L’Honorable Laurent Ngon-Baba, Membre de l’Assemblée nationale de République centrafricaine, Président de la Commission des lois, ancien Ministre de la Justice, et membre de PGA, a déclaré son soutien à une stratégie parlementaire régionale de lutte contre l’impunité et les idées reçues autour de la CPI. Il s’est engagé à soutenir de toute manière possible l’établissement effectif de la Cour spéciale, ainsi qu’à s’assurer que les autorités nationales coopèrent pleinement avec les enquêtes et poursuites effectuées par la CPI.

L’Honorable Dieudonné Upira Sunguma Kagimbi, Membre de l’Assemblée nationale de République démocratique du Congo élu en Ituri et Président du Groupe national de PGA en RDC, a mis en évidence le fait que la récente visite du Bureau du Procureur à Kinshasa le jour même où l’opposition avait décidé d’une « journée ville morte » avait été importante afin d’éviter que des violences n’aient lieu. Avec l’Honorable Isabelle Kabamba wa Umba, sénatrice de RDC et trésorière du Groupe national, ils se sont engagés à travailler dans leurs chambres respectives afin d’obtenir la ratification des amendements de Kampala et promouvoir la coopération pleine et effective avec la CPI. L’Honorable Kabamba a également souligné que pour que la Cour continue d’exister, il est essentiel que les Etats coopèrent pleinement et efficacement non seulement avec la CPI mais également entre eux.

L’Honorable Mamadou Lamine Thiam, Membre de l’Assemblée nationale du Sénégal et du Parlement de la CEDEAO, ainsi que membre de PGA, a relevé le besoin de créer une coalition d’Etats menant une « offensive » de sensibilisation afin de rappeler une fois encore que l’Etat de droit et la lutte contre l’impunité sont des piliers de nos communautés. Il a exprimé son soutien fort à la CPI et dénoncé les critiques injustes faites à ses activités. Il s’est engagé à œuvrer en faveur de la ratification et mise en œuvre des Amendements de Kampala, y compris sur le crime d’agression, par son pays.

L’Honorable Théophile Madjitoloum Yombombé, Membre de l’Assemblée nationale du Tchad et Membre de PGA, a démontré comment la mise en œuvre du Statut de Rome et du principe de complémentarité profite à un grand nombre de pays, y compris ceux comme le Tchad qui font face à des attaques d’extrémistes violents. Il a déclaré qu’il ferait de son mieux afin de mobiliser ses collègues et s’assurer qu’une loi de transposition du Statut de Rome soit adoptée.

L’universalité du Statut de Rome au Togo

Les parlementaires togolais présents ont montré un vif intérêt pour les discussions sur le fonctionnement de la CPI et le processus de ratification du Statut de Rome. L’Honorable Dermann Assouma, Président de la Commission droits humains, a exprimé sa conviction que – sans regard pour les controverses actuelles – il serait dans le meilleur intérêt du Togo de devenir partie au Statut de Rome et de bénéficier de la compétence complémentaire de la Cour. Il s’est engagé à continuer son travail avec PGA et est devenu membre de l’organisation. L’Honorable M’Bouké Yao Atchi, Membre de l’Assemblée nationale du Togo et de la commission de la santé, de la population et de l’action sociale, s’est enquis du contenu du Statut de Rome et des autres normes appliquées par la CPI. Il a également souligné que l’objectif principal restait de construire et renforcer les capacités des Etats africains à juger les criminels eux-mêmes.

Menés par l’Honorable Jean-Joël Kissi, les parlementaires togolais présents lors de la seconde journée du programme, se sont tous engagés à promouvoir la lutte contre l’impunité et la ratification du Statut de Rome, ce qui comprend de surmonter tous les obstacles légaux, administratifs et politiques. Ils ont également voué de continuer la réforme du cadre légal pénal national, afin de s’assurer que les juridictions nationales soient capables d’assurer leur devoir premier d’enquêter et juger les crimes internationaux.

Les participants togolais ont également décidé de demander à leur gouvernement de rejoindre le groupe d’Etats qui soutiennent la CPI, notamment en prenant des positions fermes et publiques lors des sommets de l’UA, et de suivre l’exemple de l’Algérie, autre pays non partie qui s’est néanmoins opposé à l’adoption d’une résolution sur le retrait de masse durant le 27ème Sommet de l’UA à Kigali.