Le 11 avril 2016, PGA a assisté la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée législative du Salvador dans la préparation d’une audience sur la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI), qui s’est tenue à l’Assemblée législative du Salvador. L’audience a été organisée par la Présidente de la Commission des Affaires Etrangères, Dep. Karina Sosa, pour recevoir les témoignages d’experts et de collègues parlementaires au sein de la Commission afin de mener une discussion éclairée sur le système de coopération avec la CPI. La délégation de PGA était composée du Dep. Ronny Monge, Membre du Conseil d’Administration, du Costa Rica et Dr. David Donat Cattin, Secrétaire Général. Des représentants de la CPI issus du Greffe de la CPI et du Bureau du Procureur ont participé via vidéoconférence à cette consultation.
Les témoignages de PGA et des représentants de la CPI visaient à expliquer les implications législatives de l’obligation des Etats parties à coopérer avec la CPI et à générer une volonté politique de lutte contre l’impunité à travers la mise en œuvre du Statut de Rome. Par la même occasion, la table ronde a permis d’assurer le suivi des engagements, à savoir de promouvoir la pleine et effective mise en œuvre du Statut de Rome, que les parlementaires ont pris lors de la visite à la CPI l’année dernière et la Session spéciale de ratification en de mise en œuvre du Statut de Rome qui s’est tenue au parlement du Costa Rica.
L’audience a commencé avec la présentation de la Responsable des relations extérieures du Bureau du Procureur, Antonia Pereira DeSousa, qui a expliqué l’importance de la coopération des Etats avec la CPI pour l’accomplissement du mandat du Bureau du Procureur. Elle a souligné que la coopération est essentielle pour le système créé par le Statut de Rome qui est composé de deux piliers: d’une part, la CPI comme pilier judiciaire, et, d’autre part, ses Etats Membres en tant que pilier de l’application et du déroulement. Ce dernier comprend l’arrestation et la remise des suspects, la collecte de preuves, le soutien logistique, l’identification des témoins, la recherche des lieux, la protection des victimes et des témoins ou l’identification de la localisation et le gel ou la saisie des biens et avoirs. Par conséquent, sans une coopération efficace et en temps opportun sur ces questions, le Procureur de la CPI ne peut pas produire les preuves pour divulguer la vérité et les cas demeurent en suspens pendant des années. Toutefois, la représentante du Bureau du Procureur a souligné que les Etats conservent la pleine souveraineté dans l’établissement des procédures spécifiques à travers lesquelles ils décident de se conformer à l’obligation de coopérer avec la Cour.
La représentante du Bureau du Procureur a identifié six facteurs qui contribuent à une coopération efficace et rapide : (1) l’adoption d’une législation nationale incorporant efficacement les dispositions du Statut de Rome relatives à la coopération. A cet égard, la représentante du Bureau du Procureur a reconnu l’assistance fournie par PGA dans la région et dans l’élaboration d’une « loi de référence »; (2) l’identification des moyens de communication les plus appropriés au niveau national pour la transmission des demandes de coopération; (3) l’identification de points centraux et l’existence de procédures établies pour la coordination nationale des demandes de coopération; (4) les possibilités de conclure des accords volontaires bilatéraux pour la coopération; (5) des consultations préalables entre le Procureur et les autorités de l’Etat partie concerné afin de déterminer les conditions nécessaires pour une demande d’assistance et (6) la possibilité que le Bureau du procureur coopère, grâce à ses renseignements, avec les autorités nationales pour poursuivre ceux responsables de crimes internationaux.
La présentation suivante a été faite par Osvaldo Zavala Giler, du Greffe de la CPI, qui a souligné que la non-existence de législation nationale établissant des procédures de coopération ne justifie pas l’échec de la coopération avec la CPI. De plus, il a expliqué que l’existence de lois de coopération pourrait faciliter les efforts des autorités nationales dans l’accomplissement de leurs obligations.
Il a fourni des exemples concrets des problèmes rencontrés par le Greffe lorsqu’il requiert la coopération d’Etats parties, à savoir demandes de gel des avoirs des suspects, liberté provisoire ou encore l’accueil des personnes acquittées. En particulier, il a souligné l’importance de l’existence d’une structure et de mécanismes appropriés dans un pays recevant une demande afin de traiter cette demande rapidement et de l’envoyer à l’organisme national pertinent. Les retards dans le processus peuvent compromettre les chances de succès de geler les avoirs à temps. Enfin, il a insisté sur le fait que l’existence d’une législation nationale permettra la sécurité juridique, l’objectivité et la rapidité des procédures et, en même temps, contribuerait à dépolitiser des questions qui pourraient devenir très controversées.
Apres la présentation des représentants de la CPI, les parlementaires ont posé deux questions. L’une d’entre elles était en rapport avec les exemples de succès et d’échecs dans l’accomplissement par les Etats des demandes de coopération et l’autre concernait les conséquences de la non-coopération. Les représentants de la CPI ont répondu en évoquant l’exemple de l’arrestation de Jean-Pierre Bemba par la Belgique, comme démonstration d’une réussite et l’exemple récent de l’échec de l’Afrique du Sud à arrêter Al-Bachir comme un exemple de demande de coopération qui n’a pas été remplie. Ils ont expliqué la procédure de la Cour relative à la non-coopération, sur la base des consultations avec l’Etat en question, ainsi que la possibilité pour la Cour de renvoyer l’échec de coopération à l’Assemblée des Etats Parties et au Conseil de Sécurité des Nations Unies, dans le cas où la situation faisant l’objet d’une enquête a été renvoyée par cet organisme des Nations Unies.
Ensuite, Dep. Ronny Monge a présenté le projet de loi du Costa Rica sur la coopération avec la CPI, sur la base de la loi de référence de PGA sur la coopération pour les pays d’Amérique Latine. Il s’est concentré sur les parties innovantes du projet de loi, qui concernent:
(1) Encourager les autorités nationales responsables de recevoir ces demandes : A cet égard, il a fermement soutenu la double communication directe entre la CPI d’une part et le Ministère des Affaires Etrangères et autres autorités nationales comme la Cour Suprême, recevant les demandes en même temps, d’autre part. Il a expliqué que les demandes sont en majorité reçues par le Ministère des Affaires étrangères, qui fait office d’organisme de liaison. De plus, le projet de loi permettrait également à l’instance judiciaire interne la plus élevée (la Cour Suprême) d’examiner la légalité des mesures prises par les autorités nationales relatives à la demande de coopération de la CPI.
(2) La coopération volontaire : Cela fait référence aux chapitres dans la loi de coopération qui se réfèrent à l’exécution des peines de la CPI sur le territoire de l’Etat, aux procédures en relation avec le gel des avoirs et des biens, à la participation des témoins et des victimes dans les procédures, à l’assistance et la relocalisation des victimes et des témoins ainsi qu’à la mise en liberté provisoire.
(3) Le principe de complémentarité « positive », en particulier, les demandes de coopération émanant du Ministère de la Justice et d’autres organes judiciaires adressée à la CPI dans le cadre des procédures pénales nationales.
Il a souligné la nécessité d’une législation de mise en œuvre nationale pour un mécanisme de coopération efficace entre les Etats et la CPI. Sa présentation a également contribué à clarifier plusieurs questions juridiques, comme, par exemple, la distinction entre l’extradition dans des relations interétatiques traditionnelles et la remise de personne dans le Statut de Rome.
La présentation suivante faite par Dr. David Donat Cattin, Secrétaire General de PGA, a expliqué la différence entre la coopération verticale avec d’autres tribunaux internationaux Ad-Hoc créés par les Nations Unies et la coopération horizontale, Etat par Etat. Il a souligné la nature verticale de l’obligation de coopérer avec la CPI, qui ne permet pas d’avancer de motifs pour refuser de coopérer. D’autre part, il a précisé que la Cour ne repose pas sur un modèle supranational de coopération, par conséquent, pour remplir son mandat, cela repose entièrement sur la mise en œuvre d’une législation nationale appropriée afin de voir les demandes exécutées. Ainsi, le système de coopération de la CPI avec les Etats devrait inclure les éléments des deux, coopération verticale et horizontale, et ces éléments devraient être inscrits dans la législation sur la coopération de tous les Etats Parties au Statut de Rome.
Il a également présenté des recommandations basées sur l’expérience de PGA des meilleures pratiques sur la façon de mettre en œuvre les dispositions du Statut de Rome, de sorte à ce qu’une coopération efficace avec la CPI soit garantie. Celle-ci est liée à l’adoption de toutes dispositions pertinentes permettant l’exécution complète et efficace de toutes les formes de demandes de coopération, comme prévu dans le Statut de Rome, mais aussi touche plus particulièrement à la protection des accusés, victimes, témoins et leur famille; l’exécution des ordres de comparution devant la Cour pour les témoins, les demandes de gel des avoirs de l’accuse; la désignation de points centraux et dispositions permettant l’application des peines ou la relocalisation des témoins; la capacité pour la Cour à siéger sur le territoire d’un Etat partie et à exercer ses fonctions « comme si » elle était une juridiction nationale compétente.
Suite à ces présentations, les parlementaires ont posé plusieurs questions. La première question a abordé le sujet des immunités, en particulier, si la mise en œuvre du Statut de Rome impliquait la suppression des immunités du système juridique interne. Les parlementaires ont été rassurés par le fait que la suppression des immunités puisse suivre le même chemin déjà prévu par l’ordre juridique salvadorien pour des crimes de moindre gravité déjà envisagés dans la loi préexistante. Ces procédures spéciales pour la levée de l’immunité des Chefs d’Etat peuvent, a fortiori, s’appliquer aux crimes internationaux qui peuvent être poursuivis par la CPI ou devant les juridictions nationales. Une autre question s’est adressée à Dep. Monge pour préciser si le projet sur la coopération du Costa Rica permet d’user de pouvoir discrétionnaire dans l’accomplissement d’une demande de remise d’une personne par la CPI. Dep. Monge a affirmé qu’un tel pouvoir n’était pas possible en raison du fait que les Etats sont tenus par l’article 86 de pleinement coopérer avec la CPI.
Ensuite, par rapport à une autre question concernant le maintien de la souveraineté des procureurs nationaux, il leur a été expliqué que les pouvoirs autonomes des procureurs nationaux ne sont pas affectés par le Statut de Rome. A cette occasion, la représentante du Bureau du procureur de la CPI a rappelé, en outre, que la coopération implique également la coopération horizontale lorsque les autorités nationales sont en mesure de demander au Procureur de la CPI de partager des informations concernant des situations sous le coup d’une enquête, ce qui pourrait être applicable dans les cas où, par exemple, les autorités nationales souhaitent poursuivre les individus que la CPI ne peut pas poursuivre.
Après l’audience, la délégation de PGA a tenu des réunions bilatérales avec des représentants des partis politiques GANA et FMLN, qui ont réaffirmé leur engagement à réaliser la mise en œuvre complète du Statut de Rome au Salvador.
Implication de PGA au Salvador
La discussion du projet de loi mettant en œuvre la partie sur la coopération du Statut de Rome dans la législation nationale est un développement direct qui suit la ratification du Statut de Rome par le Salvador en Mars 2016. PGA a contribué directement au processus de ratification par ses actions au sein de sa campagne sur la CPI pour l’efficacité et l’universalité du Statut de Rome lancée en au Salvador en 2002
L’implication de PGA au Salvador a cherché à créer un réseau multi- partisan de parlementaires Salvadoriens pour promouvoir la lutte contre l'impunité des crimes internationaux les plus graves, afin de soutenir la CPI et de mobiliser les parlementaires afin de compléter les étapes d'adhésion au Statut de Rome et sa mise en œuvre entière ultérieure.
La campagne de l’accession au système de la CPI a connu un nouvel élan en 2009 avec l'élection du candidat du FMLN Mauricio Funes en tant que Président, qui a adopté une position favorable à l'égard de la CPI. Afin de tirer parti des efforts renouvelés de parlementaires pour promouvoir la ratification du Statut de Rome, une délégation de PGA a effectué une visite à au Salvador plus tard cette même année.
Toutefois, malgré ce nouvel élan, beaucoup de travail était nécessaire pour dissiper les idées fausses et favoriser un consensus entre les différents groupes politiques Afin d'assurer le suivi des engagements qui ont été fait par les politiciens du Salvador au cours de la mission de terrain de PGA au Salvador en 2009, une délégation multipartite s’est rendue à la CPI en Septembre 2010, où ils ont pu exprimer leur engagement pour promouvoir la transmission du projet de loi sur la CPI au Parlement.
En mai 2014, après avoir perçu un manque de progrès en la matière, PGA a envoyé une lettre ouverte au Président du Salvador, S.E. Mauricio Funes, signée par plusieurs membres éminents de PGA d'Amérique latine afin de convaincre le Président de transmettre le projet de ratification au Parlement lors de ce qui serait le dernier mois de sa présidence. Deux semaines après que la lettre ouverte ait été envoyée et transmise par la presse locale, le projet de loi de ratification a été soumis au Parlement pour discussion. Les 23 et 30 juin, l'Assemblée législative du Salvador et PGA ont organisé conjointement deux séminaires d'experts sur le Statut de Rome et sa mise en œuvre.
Juste après les élections législatives de 2015, PGA a organisé une autre mission sur le terrain en juillet 2015, avec pour but de sensibiliser les membres nouvellement élus du Parlement à l'importance et à la pertinence du système du Statut de Rome. Suite à cet événement, les 4 principaux groupes politiques du Salvador ont participé à une session extraordinaire sur la ratification et la mise en œuvre du Statut de Rome organisée avec le Parlement du Costa Rica. En septembre 2015, PGA a organisé une visite multipartite de députés Salvadoriens à la CPI pour répondre à toute préoccupation ou malentendus restants. La délégation comprenait trois éminents membres de PGA: Mario Tenorio, Troisième secrétaire du Conseil d’administration et Président de la Commission des Lois constitutionnelles (GANA), Reynaldo Cardoza, Quatrième secrétaire du Conseil d’administration (NRP), Karina Sosa, Présidente de la Commission des Affaires étrangères, de l'intégration de l'Amérique centrale et des Salvadoriens à l’étranger (FMLN).
Le 24 Novembre 2015, la Commission des Relations étrangères a approuvé le projet de loi de ratification par un vote positif de 6 contre 3. Le 26 novembre, l'Assemblée législative l’a suivi avec 44 voix en faveur de l'adhésion au Statut de Rome, ouvrant la voie au Salvador pour devenir le 124ème État partie à la CPI. ARENA, le groupe politique le plus nombreux à l'Assemblée législative, s’est abstenu de voter sur la base de principes constitutionnels, même si ses membres ont exprimé leur soutien au mandat de la Cour. Une délégation de PGA dirigée par le Secrétaire général et intégrée par la Conseillère juridique de PGA, a été témoin de ce vote historique et a rencontré tous les groupes politiques.
Le 30 novembre et le 1er décembre 2015, le Parlement du Salvador a accueilli le 37ème Forum annuel de PGA sur le rôle des parlementaires dans la promotion de la paix et la sécurité internationale.