Les 13 et 14 juillet 2017, une délégation de PGA s’est rendue à Haïti pour s’entretenir avec des officiels du gouvernement haïtien dans le cadre de Consultations sur la ratification de conventions internationales relatives à la paix et la sécurité, au contrôle des armes, à l’État de droit et la lutte contre l’impunité. Cette délégation comprenait Minou Tavárez Mirabal, ex parlementaire de la République dominicaine et Présidente de PGA et présentement Présidente du Comité consultatif de développement de PGA, Dr. David Donat Cattin, Secrétaire général de PGA, et Mlle Melissa Verpile, Chargée de programme Droit international et droits humains à PGA.
Cette mission fait suite à une mission sur le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) conduite en mars 2015 (en anglais) et une mission sur la ratification de la Convention sur les armes biologiques (CAB) et le Traité sur le commerce des armes (TCA) conduite en février 2017. Ces deux missions avaient pour objectif de promouvoir la ratification des trois traités susmentionnés auprès des pouvoirs exécutif et législatif, ainsi que le Président de la Cour de Cassation et d’autres personnalités pertinentes.
La délégation de PGA a été reçue par le Cabinet du Président de la République d’Haïti, dont son Directeur, M. Wilson Laleau, ancien Ministre du Commerce, de l’industrie, de l’économie et des finances. M. Laleau et le Conseiller spécial du Président, M. Gerd Pasquet, ont souligné au nom de la Présidence que les priorités du gouvernement convergeaient avec la ratification de la CAB, du TCA et du Statut de Rome de la CPI du fait que sans une régulation effective du commerce des armes et des mécanismes de protection contre les armes biologiques, Haïti ne pourrait connaître la stabilité, la paix et la sécurité ; et du fait que sans un État de droit renforcé, la justice est impossible. Sur ce point, le pouvoir exécutif a annoncé avoir déjà adopté des mesures de renforcement du cadre juridique national, en présentant les nouveaux Code pénal et Code de procédure pénale à la Chambre des députés, pour étude et adoption. La délégation de PGA a également appris que le nouveau Code pénal comprenait certains crimes et principes contenus dans le Statut de Rome. Le Cabinet du Président a montré de l’intérêt pour une collaboration avec PGA afin de faire progresser le processus de ratification.
La délégation de PGA a également été reçue par S.E. M. Antonio Rodrigue, Ministre des Affaires étrangère et des Cultes, ainsi que son Directeur de Cabinet, Mme l’Ambassadrice Yolette Azor, et le Directeur des Affaires juridiques, M. Frantz Dorsainvil. Le Ministre s’est montré ravi de pouvoir discuter des trois traités avec la délégation de PGA et a réitéré l’engagement du pouvoir exécutif de soutenir la ratification de la CAB et du TCA. La section compétente du Ministère des Affaires étrangères a d’ores et déjà communiqué aux sections techniques du Parlement les projets de loi de ratification. Le projet de loi de ratification de la CAB devrait être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale prochainement : PGA a pu confirmer cette information auprès de la Présidence des deux chambres du Parlement.
Ministre Rodrigue a insisté sur la nécessité pour Haïti d’établir des mécanismes de contrôle de potentielles catastrophes bactériologiques, au cas où des maladies telles que le choléra pourraient être utilisées comme armes par des groupes non étatiques, bien que Haïti ne soit pas un pays producteur ni d’armes biologiques ni d’armes à feu.
A l’égard du Statut de Rome de la CPI, Ministre Rodrigue a expliqué qu’il s’assurerait avec son Cabinet que le Ministère des Affaires étrangères présente au Parlement un projet de loi portant ratification du Statut de Rome. Bien que son équipe apporte son soutien aux initiatives de PGA à Haïti, Ministre Rodrigue a expliqué que de nombreux individus au sein des institutions haïtiennes seraient susceptibles d’émettre des réserves. Certains des arguments présentés par le Ministère des Affaires étrangères et confirmés lors de rendez-vous ultérieurs par le Directeur général du Ministère de la Justice, Dr. Jean Claudy Pierre, concernent davantage la perception de la Cour ainsi que ses interventions sur le continent africain plutôt que des objections substantielles. La délégation de PGA a expliqué que les victimes africaines ne devraient pas faire l’objet de discriminations sous prétexte que la Cour n’est pas encore intervenue dans des situations hors d’Afrique, alors que de précédentes juridictions pénales internationales, telles que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et les Tribunaux de Nuremberg, se concentraient entièrement sur des crimes commis sur le territoire d’États européens. Les préoccupations relayées par les membres du gouvernement que PGA a rencontrés ne reflétaient pas nécessairement leurs positions personnelles, qui correspondaient à la création du système de responsabilité pénale établi par le Statut de Rome, mais davantage aux débats se tenant dans les médias et dans l’opinion publique.
Trois arguments sont régulièrement mis en avant dans le contexte haïtien afin d’expliquer pourquoi le pays avait signé le traité en 1999 mais ne l’a toujours pas ratifié. Ces arguments et leurs contre-arguments ont été débattus avec beaucoup d’intérêt :
Argument : Les grandes puissances dont les nationaux pourraient avoir commis des crimes tombant sous la juridiction de la CPI ne sont pas des États parties au Statut de Rome et les situations en question n’ont pas fait l’objet de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies les déférant à la CPI. Contre-argument : Les petites ou moyennes puissances ont tout intérêt à s’arroger la protection que constitue la compétence territoriale de la CPI, qui demeure une juridiction de dernier ressort qui n’exerce qu’une compétence complémentaire sur tous les crimes commis sur le territoire des États parties, y compris par des étrangers. Si le Conseil de sécurité de l’ONU ne réfère pas une situation à la CPI, la responsabilité en revient au Conseil de sécurité et non à la Cour, car il lui appartient de maintenir et restaurer la paix et la sécurité internationales.
Argument : La plupart des affaires et situations examinées par la CPI se trouvent en Afrique, donnant ainsi l’impression que la Cour ne poursuit que des ressortissants de pays africains ou de pays peu puissants. Contre-argument : Les victimes africaines méritent d’obtenir justice et plusieurs conflits armés ont fait de nombreuses victimes en Afrique depuis le 1er juillet 2002, lorsque la compétence non-rétroactive de la CPI a débuté. L’impunité qui règne en Syrie et dans d’autres théâtres d’atrocités de masse ne signifie pas que l’impunité devrait également régner en République démocratique du Congo, en République centrafricaine ou au Darfour/Soudan.
Argument : Haïti ne devrait pas ratifier le Statut de Rome simplement parce que de nombreux pays de la région, notamment la République dominicaine, ont ratifié le Statut (Haïti, les Bahamas et la Jamaïque sont les seuls États non parties dans la région CARICOM). Contre-argument : La coopération internationale est essentielle pour tous les États, surtout les nations modestes ou moyennes. L’ensemble de l’Amérique du sud est une zone de non-impunité, et la majorité des États américains sont parties au Statut de Rome, y compris le Canada, le Mexique et la grande majorité des États des CARICOM et d’Amérique centrale. Le nouveau gouvernement haïtien pourrait bénéficier de cette coopération internationale.
A la suite de la rencontre avec le Ministre des Affaires étrangères et le Directeur général du Ministère de la Justice, PGA a eu l’opportunité d’échanger avec la communauté diplomatique, en particulier les représentations de l’Union européenne, du Canada, de la Suisse et de la France, ainsi que des membres de la société civile, le Président de la Cour de cassation, Me. Jules Cantave, et des parlementaires. M. Cantave et d’autres membres de la communauté diplomatique, dont M. l’Ambassadeur Vincent Degert, Chef de la Délégation de l’Union européenne, et M. l’Ambassadeur Jean Luc Virchaux, Ambassadeur de Suisse à Haïti, ont exprimé le soutien de leurs institutions respectives au renforcement du système démocratique et de l’État de droit, en soulignant que la plus grosse difficulté pour Haïti était l’impunité. S.E. Degert a à juste titre mentionné que la première responsabilité en matière de renforcement du système judiciaire et des institutions haïtiens revenait aux autorités haïtiennes.
M. Ivan Robert, Chargé d’affaires à l’Ambassade du Canada à Haïti, a rappelé le soutien de son gouvernement à la ratification de la CAB et était ravi d’apprendre que le projet de loi portant ratification avait été présenté au Parlement, et que le député Anouce J. Bernard, Président de la Commission aux Affaires étrangères et membre de PGA avait publié un article sur la CAB (L’urgente nécessité pour l’État haïtien de ratifier la Convention sur les armes bactériologiques).
Madame Marie Rosy Ducena, Chargée de programme au Réseau national pour la défense des droits humains (RNDDH), a souligné qu’Haïti devait faire face à son histoire récente, y compris la dictature de Duvalier. A travers la ratification et la mise en œuvre du Statut de Rome, Haïti aurait à cet égard des outils supplémentaires de prévention des crimes internationaux et de punition des auteurs de tels crimes.
Lors de la seconde journée de la mission, la délégation de PGA a été reçue par le Vice-Président du Sénat, Hon. Jean-Marie Junior Salomon, et le Vice-Président de la Chambre des députés, Hon. Michel Jacques Saint Louis, qui ont tous deux apporté leur soutien et celui de leurs collègues présents, à l’adoption rapide par le Parlement des projets de loi de ratification de la CAB et de la TCA, ainsi que l’ouverture d’un processus de ratification du Statut de Rome, qui nécessitera l’approbation du Parlement. Cinq éminents membres du Parlement sont devenus membres de PGA : Hon. Jean Marie Junior Salomon, Vice-Président du Sénat, Hon. Dieudonné Luma Etienne, Premier secrétaire du Sénat, Hon. Michael Jacques Saint Louis, Vice-Président de la Chambre des députés, Hon. Price Cyprien, Membre de la Commission aux Affaires étrangères et aux finances, et Hon. Caleb Desrameaux, Président de la Commission à la Culture et la communication. Hon. Jean Willer Jean, Premier Secrétaire de la Chambre des députés, et Hon. Claude Luc Guillaume, Premier Questeur de la Chambre des députés, tous deux déjà membres de PGA, ont également assisté à la rencontre et ont réitéré leur soutien aux trois conventions en question.
Le Secrétariat de PGA poursuivra son travail auprès des législateurs haïtiens et se tient prêt à répondre à toute requête d’assistance technique. Les efforts de mobilisation multipartite des parlementaires au soutien de la vision de PGA, à savoir “la création d’un ordre international basé sur le droit pour un monde plus juste, sûr et démocratique”, continueront.
Les membres de PGA à travers le monde vont s’attacher à intensifier leur coopération avec les parlementaires haïtiens afin de promouvoir les droits humains, la paix, la démocratie et l’État de droit à Haïti, rapprochant ainsi les législateurs et les acteurs nationaux ou internationaux pertinents, dans le but de renforcer le rôle de l’Etat haïtien en tant qu’État respectueux du Droit dans l’arène internationale.