20 novembre 2020
Les 19 et 20 novembre 2020, l’Action Mondiale des Parlementaires (PGA), en collaboration avec le Groupe national de PGA aux Pays-Bas, a co-organisé la 11ème Assemblée consultative des parlementaires sur la Cour pénale internationale et l’État de droit (ACP-CPI). Compte tenu des circonstances actuelles liées à l’urgence sanitaire mondiale et de l’impossibilité d’organiser des réunions en personne, l’ACP-CPI s’est tenue virtuellement pour la première fois dans l’histoire de PGA. Parmi les 148 participants, l’évènement a rassemblé 85 parlementaires de 41 régions du monde, dont M. Jan Anthonie Bruijn, président du Sénat des Pays-Bas, le sénateur Boris Dittrich, président du Groupe national de PGA aux Pays-Bas ; des représentants de la Cour pénale internationale (CPI), dont Son Excellence Chile Eboe-Osuji, président de la CPI, Son Excellence O-Gon Kwon, président de l'Assemblée des États parties (AEP), et M. James Stewart, procureur adjoint de la CPI ; des représentants des États, dont l'ambassadeur Paul van den Ijssel, représentant permanent auprès de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et de la CPI ; et des membres d'organisations internationales, de la société civile et des experts.
Organisée sur deux jours, cette conférence internationale a permis aux experts et au public de discuter des aspects fondamentaux du système du Statut de Rome, tels que le principe de complémentarité et l’obligation de coopération, tout en débattant sur l’avenir de la CPI puisque l’année 2020 représentait un moment décisif pour la composition et la gouvernance de la Cour. L'un des points forts de l'événement a été l'intervention de la députée Beatrice Epaye (République centrafricaine), Présidente de la Commission des affaires étrangères et membre du Conseil international de PGA, sur l'impact positif de la CPI quant au renforcement de l'État de droit en République centrafricaine, bien que le pays soit confronté à une grave crise politique et sécuritaire. M. Amady Ba, chef de la section de la coopération internationale au Bureau du Procureur (BDP), a décrit le travail de la Cour en République centrafricaine et au Soudan, deux pays se trouvant dans une conjoncture politique transitoire. M. Salih Mahmoud Osman, membre du Comité législatif parlementaire au Soudan, a ainsi témoigné de la transition politique après la dictature de M. Al Bashir. Malgré la fragilité de l'appareil judiciaire de ces deux pays, de nombreux progrès ont été réalisés en coopération étroite avec la Cour, en matière de responsabilité et de renforcement des capacités au niveau national. Comme cela est traditionnellement le cas avec PGA, les parlementaires présents lors de l’évènement ont adopté un Plan d'action le 20 novembre, au sein duquel un certain nombre de points d'action leur permettront de faire progresser, dans leurs juridictions respectives, l'universalité et l'efficacité du système du Statut de Rome de la CPI.
L’ACP-CPI est le seul rassemblement mondial de haut niveau de dirigeants politiques, se concentrant uniquement sur la justice internationale et l'État de droit. Depuis 2002, ses réunions offrent aux législateurs du monde entier une occasion unique pour discuter et définir les stratégies visant à renforcer la justice pénale internationale et nationale, ainsi qu’à prévenir les crimes les plus graves préoccupant la communauté internationale dans son ensemble, à savoir le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression, tout en assurant la promotion des droits des victimes et des accusés. Les précédents débats de l’ACP-CPI ont, par la suite, informé et inspiré les initiatives de plusieurs centaines de législateurs, permettant à ce jour, la ratification du Statut de Rome par 78 des 123 États parties et à sa mise en œuvre au sein des juridictions internes de 37 États.
Alors que le monde doit faire face à la fragilité et à la division de sociétés en proie à des conflits armés, la “catastrophe naturelle” causée par la nouvelle pandémie de coronavirus a amplifié les inégalités et aggravé la commission de graves violations des droits humains et d'atrocités de masse. En outre, le recours sans précédent aux “sanctions” imposées par les États-Unis à l'encontre de fonctionnaires de la CPI, a constitué une attaque contre l'indépendance de la Cour en matière de justice et de poursuites. Ces mesures ont suscité des réactions de principe de la part des États parties et des parties prenantes aux États-Unis et dans le monde entier. En effet, M. James P. McGovern, membre du Congrès américain, co-président de la Commission Tom Lantos des droits humains et membre de PGA, a donné un aperçu complet de la politique américaine envers la CPI au cours des dernières années et de la manière dont la prochaine administration pourrait revenir sur les actions précédentes. Comme le membre du Congrès McGovern l’a rappelé par ses remarques percutantes, la responsabilité des crimes internationaux et le fait de rendre justice aux victimes de ces crimes ne devraient pas être une question partisane.
Aujourd'hui, à un moment où la démocratie, la paix, la justice et l'État de droit sont soumis à de multiples pressions, la Cour pénale internationale est plus que jamais nécessaire pour faire progresser la protection des droits humains et l'objectif universel de prévention de futures atrocités. La CPI appartient à un système mondial, au même titre que d'autres mécanismes et tribunaux nationaux ayant pour objectif de tenir les auteurs de ces actes pour responsables et de faire respecter la justice internationale et l'État de droit. Ce système mondial n'est pas parfait, mais il peut être amélioré. M. Justice Richard Goldstone, président du Groupe d'experts indépendants de la CPI, a évoqué certains des défis auxquels la Cour est confrontée. Mme Petra Bayr, députée (Autriche), a expliqué en détails les recommandations que les législateurs devraient mettre en œuvre au niveau national pour s'assurer du soutien de leurs gouvernements dans les efforts de réforme, tout en respectant l'indépendance de la Cour. Dans ce contexte, l'ambassadeur Christian Wenaweser, représentant permanent du Liechtenstein auprès de l'ONU, a mentionné certains des défis de communication entre la Cour et l'Assemblée des États parties : ce n'est que par le dialogue et le respect de la compétence et de l'indépendance de chaque organe, qu’il sera possible de progresser dans la mise en œuvre de changements pertinents pour les résultats escomptés.
Les communautés les plus vulnérables du monde entier ont aussi été touchées par la pandémie, qui a eu de graves conséquences sur le niveau des crimes de violence sexuelle et sexiste : utilisés comme des outils de guerre, le BDP de la CPI a des politiques particulières pour faire face à ces crimes. Comme l'a expliqué la professeure Patricia Viseur Sellers, conseillère spéciale du BDP pour les questions relatives au genre, “un mode de responsabilité sexospécifique permettant de tenir pour responsables les auteurs de violences sexuelles et sexistes est tout aussi important que les crimes sous-jacents qui accompagnent ces violences.” Cette violence est en partie liée à la culture. Mme Shandana Gulzar, députée (Pakistan), présidente des Femmes parlementaires du Commonwealth de l'APC, a souligné à juste titre que si les femmes et les filles sont encouragées à s'exprimer sur cette question, les hommes, en particulier les jeunes garçons, n'ont pas le droit de le faire. Or, une culture de l'omerta et de l'impunité ne fait que créer un terrain fertile pour la commission d'autres atrocités. Le système du Statut de Rome est également un mécanisme de prévention. Ce qui rend les atrocités innommables, ce ne sont pas seulement les crimes eux-mêmes, mais le fait qu'ils étaient évitables. Le professeur Irwin Cotler, président du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, dans un plaidoyer énergique, a encouragé tous les participants à agir pour que le principe du “plus jamais ça” devienne une réalité. M. Fabio Massimo Castaldo, député européen (Italie), vice-président du Parlement européen et membre de PGA, a rappelé à l'auditoire que si les crimes de guerre et autres atrocités de masse ne sont pas élucidés, la violence et la corruption continueront à prévaloir, mettant ainsi à mal la justice et la paix internationales.
Malgré les défis auxquels la Cour et le système du Statut de Rome sont confrontés, la poursuite de la justice pour les crimes les plus odieux doit continuer. La 11ème ACP-CPI s'est concentrée sur les obstacles actuels et les opportunités à venir pour atteindre, grâce au Statut de Rome, un système de justice universelle au niveau national et international. 2020 est une année cruciale pour la CPI, car l'Assemblée des États parties élira un nouveau procureur ainsi que six nouveaux juges, et examinera les recommandations contenues dans le rapport de l'examen par les experts indépendants.
Les parlementaires ont besoin du soutien de leurs pairs pour partager des stratégies et des solutions efficaces afin de renforcer collectivement les institutions démocratiques et de coordonner les réponses nationales, régionales et internationales aux violations des droits humains dans le cadre de l'État de droit. Les États parties, les organisations de la société civile et tous ceux qui sont impliqués dans la préservation de cette noble cause doivent s'unir pour réitérer leur engagement à soutenir et à défendre les principes et les valeurs inscrits dans le Statut de Rome et à préserver son intégrité contre toute menace à l'encontre de la Cour et de ses fonctionnaires. La vision de l’ACP-CPI, consistant à créer et à maintenir une circonscription parlementaire mondiale pour le système du Statut de Rome, est partagée et rendue possible grâce au soutien de l'Union européenne (UE), de l'Instrument européen pour la démocratie et les droits humains, des gouvernements des Pays-Bas, de la Suisse, du Liechtenstein et de la Fondation OAK. PGA a également reçu le soutien essentiel de la Fondation Stewart R. Mott, de la Suède (Sida) et du Danemark (ministère des Affaires étrangères).