Hier, le 12 octobre 2016, l’Assemblée nationale et le Sénat de la République du Burundi ont voté massivement en faveur de la dénonciation par le pays du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Ceci fait suite à la décision prise lors du Conseil des Ministres du 6 octobre, ainsi que la décision de suspendre la coopération avec le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains. Ce dernier a publié récemment un rapport condamnant les graves violations des droits humains commises par les autorités burundaises.
La loi portant retrait de la CPI doit encore être promulguée par le Président Pierre Nkurunziza. En vertu de l’article 127 du Statut de Rome, le retrait ne prendra effet au plus tôt qu’un an après avoir été notifié au Secrétaire général des Nations Unies.
Dans la mesure où la dénonciation du traité n’est pas rétroactive, la CPI conservera sa compétence à l’égard des crimes internationaux qui ont d’ores et déjà été commis sur le territoire du Burundi et/ou par des ressortissants burundais, ou qui seront commis jusqu’à ce que le retrait prenne effet juridique.
Des Membres de l’Action mondiale des parlementaires (PGA) à travers le continent africain ont tenu à partager leurs préoccupations à l’issue de cette terrible décision qu’ont prise leurs pairs burundais.
L’Honorable Fabien Banciryanino, Membre de l’Assemblée nationale de la République du Burundi, est l’un des deux députés à avoir voté contre le retrait du Statut de Rome. Il a souligné que :
Ma mission en tant que représentant du peuple burundais est de défendre ses intérêts et ses droits. C’est pourquoi j’ai supplié mes confrères et consœurs de ne pas voter en faveur du retrait du Statut de Rome, qui n’a aucun autre but qu’assurer l’impunité à ceux qui maltraitent les Burundais.
Je suis aujourd’hui horrifié de voir le Burundi s’engager sur ce dangereux chemin et je ne peux qu’en appeler aux citoyens burundais et à la communauté internationale de veiller à ce que les droits humains de tous soient respectés. L’Honorable Fabien Banciryanino,
Membre de l’Assemblée nationale de la République du Burundi
Les Honorables Idrissa Sankaré, député de la République du Mali, membre de PGA et Président du Réseau des députés maliens pour la défense des droits humains, et Aissata Touré Diallo, députée de la République du Mali, Présidente de la Commission des affaires étrangères, Membre de PGA, et membre du Réseau des femmes parlementaires du Mali, ont fait la déclaration conjointe suivante:
En tant que parlementaires et citoyens maliens, nous savons combien l’impunité dont bénéficient les auteurs de violations massives des droits humains heurte une société et un peuple. Nous sommes choqués de voir que le gouvernement et mes pairs au sein du Parlement burundais aient décidé de soutenir activement l’impunité et ont pris la décision de se retirer du Statut de Rome.
Le Burundi fait déjà l’objet d’un examen préliminaire par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale. Le retrait du Statut de Rome n’a aucun effet sur cette procédure : les auteurs de crimes internationaux n’échapperont pas à la justice.
Il s’agit du rôle des parlementaires de tout pays d’être le garde-fou de l’exécutif et de veiller à ce que les citoyens puissent jouir de tous leurs droits et soient protégés contre toute sorte d’exactions. Les Honorables Idrissa Sankaré
et Aissata Touré Diallo
L’Honorable Dieudonné Upira Sunguma Kamgimbi, Député de la République démocratique du Congo et Président du groupe national de PGA, a partagé ce sentiment :
Les membres de PGA en République démocratique du Congo sont profondément inquiets des exactions commises dans le pays voisin qu’est le Burundi et de la décision de nos confrères et consœurs de choisir le chaos et l’impunité plutôt que le droit et la justice.
Le retrait du Statut de Rome, même s’il est officialisé, ne donne en aucun cas une licence pour torturer ou tuer. Les droits humains de nos frères burundais doivent être respectés. Je ne peux que regretter que des parlementaires, qui représentent le peuple, aient choisi de s’opposer au respect des droits humains et de l’Etat de droit. L’Honorable Dieudonné Upira Sunguma Kamgimbi,
Député de la République démocratique du Congo et Président du groupe national de PGA
L’Honorable Jean-Joël Kissi, député du Togo, Président de la Commission des relations extérieures et de la coopération et membre de PGA, a lui aussi déclaré :
Je suis outré de voir la décision prise par le gouvernement burundais et le vote de mes collègues parlementaires en faveur du retrait du Statut de Rome.
Le Togo n’est pas un Etat partie mais en tant que représentant du peuple je suis déterminé à faire ce qui est en mon pouvoir pour m’assurer que mes concitoyens bénéficient des protections et de l’avenue judiciaire qu’offre la Cour pénale internationale. C’est pourquoi nous organisons les 10 et 11 novembre 2016 un séminaire du Groupe de travail sur la lutte contre l’impunité en Afrique francophone à Lomé.
Il y a un triste et flagrant contraste entre nos efforts pour promouvoir la justice et le vote du Parlement burundais en faveur de l’impunité des auteurs de crimes internationaux. Je ne peux qu’appeler mes pairs burundais à se ressaisir et à prendre parti pour le respect des droits humains de tous. L’Honorable Jean-Joël Kissi, député du Togo,
Président de la Commission des relations extérieures et de la coopération et membre de PGA
L’Honorable Théophile Yombombé, député de la République du Tchad, a quant à lui estimé que :
La décision des députés burundais de voter pour le retrait de leur pays du Statut de Rome est aléatoire. Il s’agit d’un retour en arrière sans précédent : le retrait d’un instrument international de protection des droits humains est toujours une défaite et c’est a fortiori le cas pour le premier traité établissant une juridiction pénale permanente et universelle chargée de poursuivre les crimes les plus graves.
Je crois qu’il est important que les autorités du Burundi prennent la mesure des différents risques encourus et qu'elles comprennent que les violations massives des droits humains commises dans ce pays ne resteront pas sans conséquences.
Qu’il s’agisse de la Cour pénale internationale ou d’une autre juridiction, l’histoire les rattrapera, comme elle a été pour le cas Hissène Habré. Il appartient aux députés et aux sénateurs burundais de représenter le peuple et de choisir le droit et la justice. L’Honorable Théophile Yombombé,
député de la République du Tchad
L’Honorable Abdu Katuntu, Membre du Parlement d’Ouganda, responsable du portefeuille de la justice pour l’opposition et membre de PGA, a ajouté:
Les parlementaires ougandais sont profondément inquiets de la décision prises par leurs Honorables collègues burundais. Lorsqu’un pays fait face à une crise comme celle que rencontre le Burundi, il devrait aller de l’avant plutôt qu’en arrière afin de protéger les droits humains et promouvoir la justice. Cette décision du Parlement de renier le Statut de Rome et encourager l’impunité est simplement inacceptable. Elle ne bloquera pas l’examen préliminaire de la Procureur, pas plus qu’elle n’assurera l’impunité aux responsables de crimes internationaux : il s’agit uniquement d’un signe de mauvais augure pour l’Etat de droit et les droits des Burundais. L’Honorable Abdu Katuntu,
Membre du Parlement d’Ouganda
L’Honorable Bernadette Lahai, Membre du Parlement sierra-léonais et membre de PGA, a également déclaré que :
La nouvelle du vote du Parlement du Burundi en faveur du retrait du Statut de Rome de la Cour pénale internationale m’a profondément inquiétée. Le fait que ce développement intervienne alors que la CPI conduit un examen préliminaire sur la situation au Burundi est particulièrement préoccupant. Il semble en effet que cette initiative ait pour seul objectif de contrarier et saper cet examen préliminaire.
Il est important de rappeler que l’examen préliminaire de la CPI est basé sur les allégations que plus de 430 personnes auraient été tuées, au moins 3400 arrêtées et plus de 230 000 Burundais auraient fui vers les pays voisins ces 18 derniers mois. Le Statut de Rome continue de représenter à ce jour la meilleure chance de justice pour les victimes de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide à travers le monde, y compris ici en Afrique. La preuve de cet espoir que représente la Cour réside dans le nombre de gouvernements africains qui ont déféré leur propre situation à la CPI ces 15 dernières années.
J’appelle donc respectueusement mes frères et sœurs du Parlement burundais à considérer avec recul cette regrettable initiative, qui va gravement salir l’image du Burundi et nuire à la seule avenue légale permettant aux victimes de la récente crise d’obtenir justice. L’Honorable Bernadette Lahai,
Membre du Parlement