Le 15 décembre 2016, l’Action mondiale des parlementaires (PGA), en collaboration avec la Chambre des députés et le Ministère de la justice et des droits humains argentin, ont organisé une Conférence sur le système de justice créé par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Cette conférence, tenue au sein de la Chambre des députés à Buenos Aires, avait pour objectif d’offrir une plateforme pour des représentants des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire d’échanger et d’approfondir leurs connaissances du système de la CPI et de son rôle dans la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves de droit international.
Les intervenants à la Conférence comprenaient des fonctionnaires de la CPI, des représentants du gouvernement argentin, ainsi que des experts du monde universitaire et de la société civile. La Conférence était présidée par la députée Margarita Stolbizer, Présidente de PGA. Dans son intervention, elle a rappelé le principe de la complémentarité, soulignant que la CPI n'intervient que lorsque les tribunaux nationaux ne peuvent ou ne veulent pas le faire. Elle a rappelé que l'Argentine a été victime des dictatures très cruelles qui violaient les droits humains et a exprimé sa conviction que ces crimes n'auraient pas été commis si la CPI avait existé à l'époque. De plus, elle a réaffirmé que le soutien à la CPI était une politique d'état en Argentine, puisqu’au fil des ans tous les différents gouvernements avaient soutenu le processus de la CPI dans le pays.
La cérémonie d’ouverture a été animée par la députée Patricia Gimenez, 2ème Vice-Présidente de la Chambre des députés, qui a exprimé son ferme soutien personnel à la lutte contre l’impunité en tant que contribution à la prévention de nouvelles atrocités ainsi que la promotion de la paix. Elle a également souligné l'importance de la récente signature l'Argentine et la CPI d’un Accord volontaire sur la coopération en matière de protection des témoins. Son intervention a été suivie par celle du Vice-Chancelier Pedro Raúl Villagra Delgado, Secrétaire aux affaires étrangères, qui a rappelé le soutien du gouvernement à la CPI, « l'un des plus grands succès dans le domaine des droits humains et du droit international ». Dans ce contexte, il a expliqué le rôle clé de l'Argentine dans les négociations ayant abouti à l’adoption du Statut de Rome et, reconnaissant l'importance de l'activation de la compétence de la CPI pour le crime d'agression, il s'est engagé à faire progresser le processus de ratification des Amendements de Kampala sur le crime d'agression en Argentine. Dr Martín Casares, Sous-Secrétaire aux politiques pénales du Ministère de la Justice, a quant à lui souligné que l'initiative du gouvernement de signer un Accord volontaire sur la réinstallation des témoins n'était qu'une première étape, le soutien au travail de la CPI se poursuivant avec la signature d'autres accords de coopération.
Le premier panel sur les défis auxquels la communauté internationale doit faire face en matière d'impunité pour les crimes internationaux les plus graves a été présenté par la députée Cornelia Schmith Liermann, Présidente du groupe national de PGA en Argentine. Elle a été suivie par la présentation de la Pr. Mónica Pinto, doyenne de la Faculté de Droit de l'Université de Buenos Aires, qui a présenté l’historique du droit international pénal, de la création des tribunaux ad hoc par le Conseil de sécurité de l'ONU, la rédaction du Statut de Rome ayant abouti à la création de la première juridiction internationale pénale permanente. La seconde intervenante, Érica Lucero, représentante du Ministère des affaires étrangères de l'Argentine au sein de l’Ambassade auprès des Pays-Bas, a présenté au public les principes de complémentarité, de non-rétroactivité et du défaut de pertinence de la qualité officielle, avant de dépeindre les situations et les affaires dont la Cour est actuellement saisie.
Au cours du deuxième panel sur la mise en œuvre du Statut de Rome au niveau national comme outil de renforcement du cadre juridique interne, le Dr Alejandro Kiss, conseiller juridique aux Chambres de la CPI, a donné un aperçu du champ de compétence de la CPI et en a expliqué les limites matérielles, temporelles et territoriales. Tout en résumant les particularités juridiques des définitions du génocide et des crimes contre l'humanité consacrées par le Statut de Rome, il a fourni une comparaison très utile avec les dispositions relatives à ces crimes dans les statuts d'autres tribunaux internationaux, en particulier la Charte internationale du Tribunal militaire de Nuremberg, le statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et le statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.
Cette présentation a été suivie de celle de M. Luciano Pezzano, professeur à la faculté de droit de Cordoba, qui s’est penché sur une partie de la compétence matérielle de la Cour, à savoir les crimes de guerre et le crime d'agression.
Se fondant sur le droit international humanitaire et son champ d'application, il a classé les soixante-quatorze crimes de guerre décrits par l'article 8 du Statut de Rome en fonction du type de conflit armé dans lequel ils peuvent se produire, en mettant l'accent sur les différences dans la définition des crimes de guerre commis dans le cadre d'un conflit armé international et ceux commis dans le cadre d’un conflit armé non international. Sur la base de l’articulation entre le ius in bello et le ius ad bellum, il a démontré les principaux éléments constitutifs du crime d'agression, tel qu’il est défini par l'article 8 bis du Statut, ainsi que ses principales caractéristiques et les défis qu’elles posent.
Le troisième panel sur la coopération avec la CPI et la contribution du Statut de Rome au renforcement des systèmes judiciaires dans la lutte contre l'impunité a été ouvert par Mme Romina Morello, Conseillère juridique de PGA, qui a démontré avec des exemples pratiques pourquoi la coopération avec la CPI est indispensable et cruciale pour l'établissement de la justice. Elle a fait une comparaison entre deux affaires, celle de M. Omar Al Bashir, Président du Soudan, et de M. Jean-Pierre Bemba, ancien Vice-Président de la République démocratique du Congo, qui ont connu des dénouements radicalement différents selon que les Etats leur aient apporté leur coopération ou non. Dans son exposé, elle a expliqué le système sui generis de coopération établi par la CPI et les obligations à la charge des Etats telles qu'établies par le Statut de Rome de : (i) coopérer pleinement, et (ii) de mettre en œuvre les procédures nécessaires afin de permettre la coopération dans le cadre juridique interne. Elle a également détaillé les conséquences de la non-coopération des États, notamment le refus de l'accès à la justice aux victimes, l'entrave à l'effet dissuasif de la CPI, et finalement l'augmentation des coûts financiers engagés par les Etats associés à la protection des victimes, des témoins et la préservation de la preuve.
Dans la deuxième partie du panel, Antonia Pereira de Sousa, Conseillère à la coopération et aux relations extérieures de la CPI, a sensibilisé le public sur le contenu des Accords volontaires de coopération ainsi qu'à leur importance afin de rendre possible le fonctionnement efficace de la CPI. Elle a également souligné le nombre limité d'Accords volontaires sur la coopération et la nécessité qu’un plus grand nombre de pays signe ces accords, à l’instar de l'Argentine. Antonia Pereira de Sousa a également insisté sur les opportunités que la signature de ce type d'Accords avec la Cour pourrait créer pour le pays, notamment en ce qui concerne le renforcement des capacités de l’appareil judiciaire.
Lors du dernier panel sur le rôle des victimes dans le système du Statut de Rome, le public a pu bénéficier de la participation de Mme Mariana Pena, Juriste à Open Society for Justice Initiative, et du Dr Felipe Michelini, membre du Conseil d'administration du Fonds de la CPI au profit des victimes. Mme Pena a noté que le Statut de Rome a créé un système unique de participation des victimes, où les victimes ne sont ni plaignantes, ni parties civiles, mais participent aux procédures de « manière auxiliaire ». Elle a également souligné la différence entre le rôle des victimes et celui du Procureur ; le Procureur représentant les intérêts de la communauté et dans le cas de la CPI de la communauté internationale - ce qui implique de plus grandes responsabilités. Ces dernières s'étendent au-delà des intérêts représentés par les victimes, tels que la détermination de la vérité, la reconstruction historique avec l’objectif ultime de réconciliation des États et des communautés. Dans la deuxième partie du panel, le Dr Michelini a sensibilisé le public sur le rôle important des victimes dans les procédures de la CPI ainsi que le système de réparations créé par le Statut de Rome. Il a également expliqué la différence entre le mandat du Fonds de la CPI au profit des victimes et le travail important que cette institution fait pour améliorer la réalité des communautés affectées par des crimes qui font l'objet d'une enquête de la CPI.
Dans le cadre de la Conférence, PGA a également tenu plusieurs réunions officielles avec des membres du gouvernement argentin, au cours desquelles des pistes ont été dégagées quant à une coopération accrue entre l'Argentine et la CPI. Mme Romina Morello, Conseillère juridique de PGA, et Mme Antonia Pereira De Sousa, Conseillère à la coopération et aux relations extérieures de la CPI, ont rencontré le Chef de cabinet du Sous-secrétaire du Ministère de la Justice en charge du système pénitentiaire de l’Argentine. La réunion s’est concentrée sur la signature d'un Accord volontaire de coopération sur l'exécution des peines. Au cours de cette rencontre, le Sous-secrétaire a exprimé son vif intérêt à entamer des négociations officielles au niveau national avec l'objectif de signer l'Accord.
Lors d’une rencontre avec l’unité spéciale du Bureau du Procureur sur les enquêtes financières, les représentants de cette dernière ont promis de soutenir la CPI dans les réseaux internationaux de procureurs, ainsi que de maintenir des contacts informels avec la Cour afin de faciliter la coopération avec cette dernière.
La Conseillère juridique de PGA a également pu rencontrer le Directeur de l’information et des enquêtes de l’Observatoire des politiques publiques sur les droits humains du MERCOSUR, afin de discuter les domaines dans lesquels une coopération avec PGA pourrait être possible, y compris l’élaboration d’une loi-type sur la coopération avec la CPI pour les pays du MERCOSUR et la sensibilisation aux activités de la CPI.
La conférence et les réunions officielles se sont conclues sur un soutien renouvelé à la CPI et le développement de la volonté politique en termes de coopération avec la Cour. Les engagements pris par les représentants des institutions argentines laissent espérer l’ouverture prochaine de négociations et la conclusion d’accords volontaires ainsi que l’adoption d’une législation de mise en œuvre du Statut de Rome.
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La Haye
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