La Cour pénale international (CPI) joue un rôle crucial dans la mise en œuvre de la justice mondiale, le respect de l’État de droit et le principe de responsabilité des auteurs de crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crime de génocide et crime d’agression. Depuis sa création en 2002 via l’entrée en vigueur du Statut de Rome, la Cour a permis la réalisation de progrès considérables. Pourtant, de nombreux défis doivent encore être relevés pour parvenir à une justice globale, y compris en répondant aux critiques formulées à l’encontre de l’efficacité de la CPI.
À cet égard, et à l’occasion de la 43ème session plénière de l’Assemblée parlementaire paritaire des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et de l’Union européenne (ACP-UE), le groupe PGA du Parlement européen a organisé un déjeuner de travail visant à démystifier la CPI. Des experts, des représentants de la société civile et des parlementaires d’Italie, du Ghana, de Malawi, de Namibie, du Niger, du Parlement européen, de la République centrafricaine et du Suriname, ont participé à un dialogue ouvert portant sur des questions liées à la CPI et soulignant l’importance du principe de responsabilité universelle dans la poursuite de la justice et de la paix durable.
Dans leurs remarques d’ouverture, M. Fabio Massimo Castaldo (membre du Parlement européen, Italie), Co-coordonnateur du Program de PGA sur le droit international et les droits humains et Président du Group de PGA au Parlement européen, et M. Domènec Ruiz Devesa (membre du Parlement européen, Espagne), ont rappelé que l’Union européenne et le Parlement européen offrent leur soutien à la CPI depuis longtemps. Celui-ci s’est considérablement renforcé face à la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine : depuis l’année dernière, l’UE a apporté un soutien financier supplémentaire à la CPI, a mobilisé des ressources et a collaboré davantage avec la CPI en rejoignant l’équipe commune d’enquête sur l’Ukraine. De son côté, le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions demandant à l’Ukraine de ratifier le Statut de Rome. Ces derniers mois, l’accent a donc été mis sur la situation en Ukraine, mais M. Castaldo et M. Ruiz Devesa ont cependant rappelé la nécessité pour la communauté internationale de renforcer son action sur toutes les situations faisant l’objet d’une enquête de la CPI. En outre, ils ont mis en avant l’importance d’améliorer la portée du mandat de la CPI, notamment en reconnaissant le crime d’écocide, ainsi qu’en renforçant la promotion de l’intégration régionale et la ratification du Statut de Rome.
En focalisant son intervention sur le fonctionnement concret de la CPI, M. Matias Hellman, Conseiller en relations extérieures de la Présidence de la CPI, a noté le caractère volontaire et souverain dans la décision de chaque État d’adhérer à la CPI. À travers la ratification du Statut de Rome, les États parties appartiennent à un système donnant la priorité aux droits des victimes et des communautés de survivants. À ce jour, la CPI enquête sur 16 situations dans le monde : 9 en Afrique, 1 en Amérique, 3 en Asie, 2 en Europe, et 1 au Moyen-Orient. M. Hellman a expliqué que ces enquêtes peuvent être ouvertes sur saisine d’un État partie pour des atrocités commises sur le territoire de celui-ci ou par l’un de ses ressortissants, sur saisine du Conseil de sécurité des Nations Unies, ou sur l’initiative du Procureur de la CPI lui-même (proprio motu) – dans les limites du mandat de la CPI, qui ne peut être rétroactif (c’est-à-dire que la Cour ne peut pas enquêter sur des actes antérieurs à 2002, soit avant l’entrée en vigueur du Statut de Rome). La CPI étant seulement complémentaire aux juridictions pénales nationales, il est essentiel que les États ratifient et mettent en œuvre le Statut de Rome, qui, par ailleurs, possède un effet dissuasif (article disponible en anglais) sur les auteurs potentiels d’atrocités.
Mme Virginie Amato, Responsable du plaidoyer et du programme de la Coalition pour la Cour pénale internationale, a souligné les défis auxquels la CPI est confrontée, notamment les limitations de ressources qui ont un impact sur son efficacité et contribuent à donner l’impression d’une certaine sélectivité dans les travaux de la Cour (principe de « deux poids, deux mesures »). Il existe également des inquiétudes relatives aux menaces prononcées à l’encontre des fonctionnaires de la CPI, qui compromettent davantage leur travail. Il est donc de la plus haute importance que les États parties renforcent leur soutien et leur coopération avec la Cour.
Mme Frederika Schweighoferova, Directrice du Program de PGA sur le droit international et les droits humains, a souligné l’importance de la ratification et de la mise en œuvre du Statut de Rome et de tous ses amendements au niveau national. Non seulement cela améliore l’universalité du Statut de Rome, mais cela permet également aux pays d’harmoniser leur système national avec les normes internationales les plus élevées : la ratification du Statut de Rome joue un rôle crucial dans l’amélioration de l’État de droit, des droits des victimes, des droits à des procès équitables, ainsi que des droits humains en général.
Au cours de leur dialogue, les parlementaires ont posé des questions sur le processus de saisine de la Cour et ont exprimé leur intérêt pour que la justice internationale enquête sur des crimes ne relevant pas du mandat de la CPI (comme l’obtention de réparations pour les pays ayant historiquement souffert de l’esclavage, ou la traduction en justice des entités juridiques internationales ayant causé des dommages chimiques sur le territoire d’un pays). Des inquiétudes ont également été exprimées quant à l’influence sur le fonctionnement de la CPI des États non parties, et en particulier de ceux étant également membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies. Les parlementaires ont ainsi appelé les « dirigeants à montrer l’exemple », interpellant par la même occasion les États du monde entier à faire preuve de plus de cohérence dans leurs paroles et leurs actes. Des députés ont également demandé un soutien supplémentaire pour analyser les législations et aligner leurs codes pénaux sur le Statut de Rome, ce pour quoi PGA a réitéré sa volonté de poursuivre son travail sur la question et d’accompagner les parlementaires dans ces efforts.
Dans l’ensemble, les participants ont convenu de la nécessité d’accroître les efforts pour lutter contre l’impunité dans le monde, y compris en renforçant la coopération régionale.