Unir les parlementaires du monde entier pour faire progresser la justice pénale mondiale et soutenir la CPI
New York / La Haye
Le 17 juillet marque la Journée mondiale de la justice internationale, qui cette année commémore le 24ème anniversaire de l’adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Un tel événement est un rappel important pour célébrer la création de la première cour internationale permanente rendant justice aux victimes de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de crime d’agression. Alors qu’au cours des dernières décennies, nous avons assisté à des remises en cause sans précédent de l’ordre international et de l’État de droit, il est de la plus haute importance, aujourd’hui plus que jamais, de souligner le rôle central de la CPI dans la prévention des atrocités, de la lutte contre l’impunité, du soutien aux droits des victimes et de la garantie d’une justice durable.
La Journée mondiale de la justice internationale marque non seulement le huitième anniversaire de l’écrasement tragique du vol MH17 de Malaysia Airlines au-dessus du territoire ukrainien, mais nous rappelle également que des atrocités d’une telle ampleur, voire pire, se produisent chaque jour. Ces tragédies personnelles, toutes plus déchirantes les unes que les autres, se produisent dans le contexte de la guerre agressive lancée par la Fédération de Russie en Ukraine en février dernier, mais également dans au moins 27 pays du monde entier (source disponible en anglais), qui sont eux-mêmes dans une situation de conflits ou de crises graves provoquées par l’homme : plus de deux milliards de personnes vivent actuellement dans des zones touchées par des conflits. Les dirigeants ou les architectes des crimes les plus graves doivent être tenus pour responsables de leurs actes, et la justice doit être rendue. Aux côtés de parlementaires, d’organisations de la société civile, d’experts, de représentants des États et d’autres parties prenantes, PGA continuera à lutter contre l’impunité pour rappeler aux États que la dignité humaine, la justice, le principe de responsabilité et la lutte contre l’impunité sont un impératif mondial, pour tous. L’Honorable Kasthuri Patto, députée (Malaisie), Présidente de PGA, et le sénateur Boris Dittrich (Pays-Bas), Coordonnateur du Program de PGA sur le Droit International et les droits humains
Malgré de nombreux obstacles, les parlementaires du monde entier ont contribué – et continuent à contribuer – au soutien mondial apporté à la CPI, en encourageant et en facilitant la ratification du Statut de Rome, ainsi que sa mise en œuvre dans les systèmes nationaux des pays.
Au cours des derniers mois, des progrès ont été réalisés pour faire avancer la lutte contre l’impunité au niveau mondial. Pourtant, la guerre d’agression lancée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine le 24 février dernier – dont l’impact a eu de graves ramifications dans le monde entier – et les crimes flagrants commis dans d’autres régions du monde, nous rappellent la fragilité du système international. La communauté internationale doit s’unir contre les menaces à la paix, les inégalités, les violations des droits humains et le recul de la démocratie. Dans un contexte aussi complexe, il est essentiel de souligner que les parlementaires, aux niveaux local, national, régional et international, ont le pouvoir de renforcer la coopération internationale et de participer à cette lutte pour le principe de la responsabilité mondiale.
Cette année, à l’occasion de la Journée mondiale de la justice internationale, mon plus grand souhait est que justice soit rendue pour toutes les victimes de la guerre génocidaire russe contre l’Ukraine, qui se poursuit depuis l’invasion de la Fédération de Russie en Crimée et dans le Donbass en 2014.
Rien que la semaine dernière, les attaques de missiles russes sur des infrastructures civiles ont fait des centaines de victimes, dont des enfants : parmi les cibles, se trouvaient un immeuble résidentiel à Chasiv Yar, des bureaux et un hôpital à Vinnytsia, et deux universités à Mykolayiv.
Les forces de l’ordre ukrainiennes traitent sans relâche des atrocités russes en coopération avec la CPI. Notre reconnaissance va aux individus qui s’unissent pour nous soutenir et aux États parties de la CPI qui veulent poursuivre les auteurs présumés des crimes internationaux commis contre les Ukrainiens. Ensemble, nous devons empêcher la Fédération de Russie de détruire délibérément l’Ukraine, et punir ceux qui ont donné et exécuté les ordres de torturer, violer et tuer notre peuple. »
Mme Maryna Bardina, députée (Ukraine, parti Serviteur du peuple), Vice-présidente de la Commission de la politique étrangère et de la coopération interparlementaire de la Rada d’Ukraine, membre de PGA
À une époque où l’ordre juridique international est menacé, et où des initiatives collectives émergent au nom de la justice et du principe de responsabilité, PGA continuera à se tenir prête pour défendre, avec ses membres, une culture universelle de respect de l’État de droit, des droits humains et des libertés fondamentales, tout en promouvant la justice et le principe de responsabilité. Aujourd’hui, nous en appelons aux commandements des membres des parlements, afin qu’ils rejoignent cet effort mondial. Comme le démontrent les réalisations des membres de PGA, qui à ce jour ont contribué à 78 ratifications et à l’adoption de 37 paquets de lois d’application, les législateurs peuvent faire la différence en veillant à ce que leurs gouvernements, non seulement promeuvent l’universalité et l’efficacité du Statut de Rome de la CPI, mais aussi à ce qu’ils mettent en œuvre les dispositions du Statut par le biais de lois nationales solides et complètes, afin de renforcer le système de complémentarité.
Le chemin vers la justice a été un long processus en République centrafricaine. Mais avec l’ouverture des premiers procès de la Cour pénale spéciale en avril dernier, un certain soulagement a enfin pu être apporté aux survivants et aux victimes d’atrocités. En cette Journée mondiale de la justice internationale, il est important de rappeler que la justice est faite pour garantir l’égalité, assurer l’équité et apporter une paix durable. Dans la lutte contre l’impunité, il est essentiel que les institutions gouvernementales, en coopération avec les membres des Parlements, fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer l’efficacité du système du Statut de Rome. Parce que la lutte contre l’impunité, la garantie des droits des victimes à la vérité, à la justice, aux réparations et aux garanties de non-récidive, ainsi que la paix, la sécurité et le bien-être de notre monde, ne peuvent pas attendre.L’Honorable Émilie Béatrice Epaye députée (République centrafricaine), Membre du Conseil international de PGA
La 12ème session de l’Assemblée consultative des parlementaires sur la Cour pénale internationale et l’État de droit (ACP-CPI), qui se tiendra à Buenos Aires, en Argentine, les 4 et 5 novembre 2022, sera une nouvelle occasion de réaffirmer notre engagement unanime envers le principe du « plus jamais ça », de commémorer les progrès accomplis pour combler le fossé de l'impunité dans le monde et de prendre de nouveaux engagements pour renforcer la justice pénale mondiale.
Proposition d’amendement de l’article 15 bis du Statut de Rome sur le crime d’agression
Depuis mars 2022, après avoir consulté un groupe d’éminents experts universitaires, PGA a élaboré un document officieux contenant des amendements spécifiques à l’article 15 bis du Statut de Rome, qui aligneraient partiellement le régime juridictionnel de la CPI à l’égard du crime d’agression sur le modèle existant déjà pour les trois autres crimes principaux.
Ces propositions d’amendements, si adoptés par les 43 États parties au Statut de Rome ayant ratifié les amendements de Kampala, seraient applicables à partir du 17 juillet 2018 et seraient contraignants pour ces 43 États, qui ont le droit d’invoquer exceptionnellement l’article 58 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, afin d’assurer leur entrée en vigueur immédiate et de réaligner le régime juridictionnel de la CPI à l’égard du crime d’agression sur l’objet et le but du Statut lui-même, à savoir mettre fin à l’impunité pour l’ensemble des quatre crimes fondamentaux du droit international. Le document officieux de PGA a été partagé avec les États membres de l’UE et les États ayant déféré la situation en Ukraine au Procureur de la CPI en vertu de l’article 13(a) du Statut de Rome.
Pour que la proposition soit examinée et, le cas échéant, adoptée par l’Assemblée des États parties qui se tiendra à La Haye du 5 au 10 décembre 2022, cette proposition d’amendements doit être présentée dès que possible – et au plus tard, à la fin du mois d’août 2022 – par un ou plusieurs États parties au Statut de Rome et diffusée par le Secrétaire général des Nations Unies, le dépositaire du traité.
L’impunité pour le crime d’agression a été efficacement combattue après la Seconde Guerre mondiale, lorsque la Communauté internationale a pu créer un Tribunal militaire international à Nuremberg en 1945 pour juger les principaux responsables des puissances de l’Axe qui ont mené la guerre d’agression. Le temps est venu pour la communauté internationale de faire de même face à la guerre d’agression lancée contre l’Ukraine par un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qui jusqu'à présent, a été en mesure de garantir une « zone d'impunité » pour ses dirigeants, comme cela avait déjà été le cas pour les atrocités de masse commises en Syrie1
PGA est fermement convaincue que l’Assemblée des États parties, composée de 123 États membres, et la communauté internationale doivent assurer un niveau approprié de soutien politique, de coopération et de financement pour la CPI, qui est compétente pour mener les enquêtes, poursuites et jugements des crimes les plus graves concernant la communauté internationale dans son ensemble. Lorsque les États parties seront en mesure de s’acquitter de leurs responsabilités en tant que pouvoirs exécutif et législatif dans le cadre de la conception institutionnelle du système du Statut de Rome, les organes judiciaires et de poursuite de la CPI seront en mesure de maximiser leur impact et de servir efficacement de catalyseurs aux systèmes de justice nationaux pour contrer et réduire l’impunité.
En appliquant le mandat de la CPI comme tribunal de dernier ressort capable d’engager et de mener des procédures contre les personnes portant la plus grande responsabilité dans les quatre crimes internationaux2, les États peuvent parvenir à la réalisation d’un monde meilleur, plus juste et plus pacifique.
Notes de bas de page :
1 Au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, la Fédération de Russie a opposé son veto au moins 15 fois pour bloquer toute décision significative visant à rétablir la paix et la sécurité internationales en Syrie. En mai 2014, la Fédération de Russie et la République populaire de Chine ont opposé leur veto à une résolution spécifique renvoyant la situation syrienne à la juridiction de la CPI, pourtant soutenue par 13 États, dont les États-Unis. En juin 2014, ISIS/EIIL/EI a envahi l’Irak et occupé la ville de Mossoul sans trouver aucune résistance ou opposition de la part de l’armée syrienne et de ses alliés militaires (la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran). Depuis, aucun tribunal international n’a de compétence territoriale sur la Syrie, le chef de l’EI a été exécuté et les dirigeants de la Syrie, de la Fédération de Russie et de l’Iran ont continué à opérer dans une « zone d'impunité ».
L’échec de la lutte contre l’impunité crée un précédent pouvant inciter à la perpétration d’atrocités dans d’autres situations, mais aussi à la répétition d’autres atrocités dans la même situation. Par conséquent, la lutte contre l’impunité est un impératif absolu pour la dissuasion dans toutes les situations (prévention générale) et pour la prévention spéciale dans une situation spécifique afin de mettre un terme à la répétition des crimes internationaux, et de contribuer au maintien et au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales.
2 Lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies a créé les deux tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda en 1993 et 1994 respectivement, il a pris note du fait que les atrocités en question se déroulaient dans le cadre de conflits internes et de la désintégration ou de l’effondrement d’États centralisés, ce qui ne nécessitait pas l’activation de la juridiction sur les crimes contre la paix/le crime d’agression. Les statuts des deux tribunaux ad hoc se limitaient donc à trois crimes fondamentaux du droit international, à savoir le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Cependant, tous les documents préparatoires relatifs à l’établissement d'une Cour pénale internationale permanente depuis les années 1950 ont toujours reflété les quatre crimes principaux du droit international, y compris le crime d’agression, qui reproduit essentiellement la notion de crimes contre la paix contenue dans l’Accord de Londres pour le Tribunal de Nuremberg, qui d’après l’Assemblée générale des Nations Unies, reflète les principes et les normes du droit international coutumier en 1946.