Du 2 au 6 décembre 2024, la 23e session de l’Assemblée des États Parties (AEP) au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) s’est tenue à La Haye, aux Pays-Bas. Cet événement annuel a rassemblé des États et des organisations internationales et de la société civile, pour discuter du budget, de la coopération, de la complémentarité et des défis relatifs à la gestion de la CPI. L’Assemblée s’est déroulée dans un contexte de défis sans précédent et complexes, qui menacent l’existence même de la Cour et soulignent le besoin urgent d’une action collective pour soutenir l’indépendance de la CPI et promouvoir la justice internationale. PGA a facilité la participation de l’Honorable Julieta Kavetuna, MP (Namibie), et d’une délégation de parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo à la session de cette année.
Faits marquants de l’AEP
Le débat général a souligné la nécessité pour les États parties de s’engager en faveur du principe de responsabilité et de l’universalité, ainsi que de l’importance de la mise en œuvre du Statut de Rome au niveau national. Les participants ont rappelé que la coopération avec la CPI est essentielle pour empêcher les auteurs d’atrocités de trouver un refuge, mais aussi pour garantir la justice aux survivant.e.s et aux communautés de victimes. Les discussions sur la session extraordinaire consacrée à l’examen des amendements relatifs au crime d’agression, prévue pour juillet 2025, ont mis en évidence la nécessité d’harmoniser le crime d'agression dans le cadre du régime juridictionnel du Statut de Rome avec les trois autres crimes fondamentaux.
Les États se sont vivement félicités de la participation de l’Arménie et de l’Ukraine, qui représente une étape importante pour l'universalité. En effet, l’Assemblée marquait la première participation officielle de l’Arménie en tant que 124e État partie à la CPI (disponible en anglais), tandis que l’Ukraine (disponible en anglais) participait pour la première fois depuis le dépôt de son instrument de ratification en octobre 2024. L’Ukraine deviendra officiellement le 125e État partie à la CPI le 1er janvier 2025.
Les organisations de la société civile (OSC) ont également joué un rôle essentiel tout au long de la semaine, en sensibilisant le public aux graves menaces pesant sur la justice et aux immenses défis auxquels sont confrontés les défenseurs des droits humains coopérant avec la Cour. Elles ont appelé à la mise en œuvre d’actions concrètes pour assurer le soutien des États et faire face aux menaces, telles que les cyberattaques et les sanctions, ainsi qu’aux ressources limitées de la Cour, tout en rappelant la nécessité d’assurer la participation significative des survivant.e.s et des communautés de victimes. Les OSC ont également réitéré l’obligation légale des États parties de coopérer avec la Cour, par l’adoption d’une législation efficace en matière de coopération.
À l’issue de l'AEP, les participants ont adopté à l’unanimité six résolutions axées sur le renforcement de la CPI, la mise en œuvre d’une politique de titularisation, l’'imposition d'un moratoire sur le recrutement de personnel de la CPI provenant d’États non parties, l’examen de la CPI et du système du Statut de Rome, le renforcement de la coopération et l’approbation du budget-programme 2025 qui, avec une augmentation d’environ 6,53 %, ne répond pas à la proposition de la CPI, qui était de 10,4 %.
Points forts de l’événement parallèle de PGA sur l’universalité
De nombreux événements parallèles ont enrichi les discussions de l’AEP, mettant en lumière des situations ou des thèmes spécifiques liés à la défense de la justice internationale. PGA, la Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI), les Pays-Bas, la République de Corée, le Liechtenstein et la Suisse ont co-organisé un événement parallèle le 3 décembre 2024 intitulé « L’universalité du système du Statut de Rome », qui a exploré les stratégies visant à promouvoir la ratification et la mise en œuvre nationale du Statut de Rome et de ses amendements.
À la lumière des menaces qui pèsent sur la Cour, S.E. Henk Cor van der Kwast, représentant permanent des Pays-Bas auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de la CPI, et S.E. Ki Hwan Kweon, vice-ministre des Affaires multilatérales et mondiales de la République de Corée, ont souligné la nécessité d’une ratification universelle afin de renforcer la légitimité et l’efficacité de la CPI. Ils ont en particulier appelé à une intensification des efforts de ratification dans la région Asie-Pacifique et ont exhorté tous les États parties à ratifier l'Accord sur les privilèges et immunités (APIC), un instrument fondamental pour permettre à la CPI de remplir son mandat de manière indépendante et efficace.
La présidente de la CPI, S.E. la juge Tomoko Akane, et la présidente de l’AEP, S.E. l’ambassadrice Päivi Kaukoranta, ont toutes deux rappelé la nécessité d’augmenter le nombre de ratifications pour mettre fin aux limites d’intervention de la CPI dans certaines situations et de garantir que son mandat soit géographiquement inclusif. Elles ont également souligné l’importance de la visibilité et de la sensibilisation pour favoriser le soutien et la coopération au niveau mondial.
Mme Myroslava Krasnoborova, procureure de liaison d’Eurojust pour l’Ukraine, et M. Arie Mora, responsable de la communication et du plaidoyer et analyste juridique au sein du Groupe de conseil juridique ukrainien (ULAG), ont évoqué le parcours semé d’embûches, mais finalement couronné de succès, que l’Ukraine a entrepris pour parvenir à la ratification. Les OSC ukrainiennes et internationales, y compris PGA, ont joué un rôle crucial pour surmonter les obstacles en impliquant de multiples parties prenantes et en mobilisant l’opinion publique. La diplomatie internationale a apporté un soutien précieux, la CPI a joué un rôle actif dans le pays et les parlementaires se sont engagés à poursuivre la ratification. Toutefois, comme l’a rappelé M. Mora, la ratification n'est qu’un début. L’Ukraine doit s’intégrer pleinement dans le système du Statut de Rome et soutenir activement la CPI pour préserver son travail dans toutes les situations où la Cour mène des enquêtes et des poursuites.
M. Yeghishe Kirakosyan, représentant pour les questions juridiques internationales du Bureau du Premier ministre de la République d'Arménie, a également fait part de l’expérience de son pays, qui a dû faire face à des défis similaires à ceux de l’Ukraine. Il a souligné l’étroite collaboration de l’Arménie avec les parties prenantes, y compris PGA, pour assurer la mise en œuvre efficace du Statut de Rome au niveau national. L’Arménie finalise actuellement une loi visant à renforcer la coopération avec la CPI, qui devrait être soumise au Parlement dans les prochains mois.
En outre, M. Vincent Rittener, chef de la section du droit international humanitaire et de la justice pénale internationale du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, et M. Sina Alavi, conseiller juridique du Liechtenstein, ont tous deux souligné la nécessité de ratifier et de mettre en œuvre les amendements au Statut de Rome afin de renforcer la justice internationale. M. Rittener a mis l'accent sur l'amendement relatif au fait d'affamer délibérément des civils, introduit par la Suisse en 2019, qui comble un vide juridique important en étendant l’interdiction de ce crime aux conflits armés non internationaux. M. Alavi a souligné la nécessité de faire avancer les ratifications des amendements de Kampala sur le crime d’agression, notant son rôle dans la promotion de la paix et l’élimination de l’impunité pour ce crime grave, ainsi que la prochaine conférence d’examen prévue du 7 au 9 juillet 2025.
Enfin, l’Honorable Jean-Claude Tshilumbayi Musawu, premier vice-président de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo, et l’Honorable Julieta Kavetuna, membre de l’Assemblée nationale de Namibie, ont expliqué le rôle essentiel que jouent les parlementaires dans la promotion du soutien à la CPI, et dans la ratification et la mise en œuvre au niveau national du Statut de Rome et de tous ses amendements. Ils ont souligné leurs efforts respectifs dans cette voie, notamment en modifiant les codes pénaux et en renforçant les cadres juridiques, ce qui permet une collaboration plus étroite avec la CPI et la poursuite des crimes au niveau national.
Alors que la CPI est confrontée à des défis importants, il est plus que jamais essentiel de soutenir la Cour et de défendre les principes de la justice internationale. Reconnaissant le rôle crucial des parlementaires dans cet effort, les membres de PGA ont publié une Déclaration parlementaire mondiale de soutien à la CPI, réaffirmant que toute menace, pression politique ou sanction contre la Cour et ses fonctionnaires sont des attaques directes contre les fondements de la justice internationale. Nous exhortons tous les parlementaires du monde entier à signer la Déclaration et à encourager leurs pairs à se joindre à cet appel à la justice et à la solidarité mondiale avec la CPI.