Renforcer la participation des parlementaires dans la mise en œuvre du principe de responsabilité
Ces six derniers mois, la Campagne pour le Statut de Rome a entrepris diverses activités visant à renforcer l’implication des parlementaires dans la mise en œuvre du principe de responsabilité. Qu’il s’agisse de participer aux négociations, à la rédaction d’instruments internationaux, de prendre conscience de la réalité de certaines situations et questions spécifiques, d’engager des discussions sur les moyens de poursuivre les atrocités les plus graves, ou de parvenir à la ratification du Statut de Rome et de tous ses amendements, les parlementaires du monde entier jouent un rôle crucial dans la promotion de la justice internationale.
En vue des prochaines élections judiciaires de la Cour pénale internationale (CPI), prévues en décembre 2023, PGA a développé un manuel pour les parlementaires sur le processus national de sélection des candidats aux élections judiciaires de la CPI. Cette importante ressource souligne non seulement l’impératif pour les États parties de désigner et sélectionner des juges de la plus haute compétence et intégrité, mais fournit également des directives spécifiques pour que les parlementaires s’impliquent dans ce processus. Avec d’autres parties prenantes, les parlementaires peuvent contribuer de manière significative à assurer la performance, l’efficience et l’efficacité de la CPI.
Dans cette 7ème édition
La Campagne pour le système du Statut de Rome a commencé l’année en coorganisant avec l’Association de droit international (ADI) un webinaire intitulé « Vers une plus grande légitimité du droit international : le rôle des parlements »(article disponible en anglais). L’événement, qui a eu lieu le 12 janvier, a rassemblé des parlementaires, des universitaires et des experts pour discuter des défis auxquels le droit international est confronté. Les négociations et la rédaction des instruments internationaux sont souvent confiées au pouvoir exécutif, limitant ainsi le rôle des parlementaires à la ratification et la mise en œuvre des textes – une situation qui pose souvent le risque d’affaiblir l’intention originelle de l’instrument. Pour démocratiser et légitimer le droit international, une collaboration plus étroite incluant les parlementaires est nécessaire, ainsi qu’une formation accrue à la compréhension du droit international pour une meilleure législation et un meilleur respect des règles.
Le 9 février, la première réunion stratégique 2023 du Comité consultatif de PGA auprès des Nations Unies(article disponible en anglais), généreusement accueillie par la Mission permanente du Liechtenstein auprès des Nations Unies (ONU), a réuni des ambassadeurs et des fonctionnaires des Nations Unies pour discuter de questions d’ordre mondial et sur lesquelles la communauté internationale doit instamment se pencher. La réunion s’est notamment concentrée sur la détérioration alarmante de la situation des droits humains et humanitaire en Afghanistan, et sur les menaces de mort qui pèsent contre les opposants aux autorités de facto. Compte tenu de la crise multidimensionnelle profonde dans laquelle se trouve le pays, PGA a rappelé l’importance de suivre des recommandations reflétant les voix afghanes ainsi que les lignes directrices élaborées par les experts, et qui toutes, soulignent la nécessité de maintenir la situation en Afghanistan comme une priorité absolue sur l’agenda international.
La discussion a également porté sur l’impératif de mettre en œuvre le principe de responsabilité vis-à-vis de la guerre en cours en Ukraine. Les participants se sont engagés dans des réflexions sur les possibilités de juger le crime d’agression, y compris à travers la création d’un tribunal spécial par le biais d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies. En outre, les participants ont souligné l’importance de ratifier les amendements de Kampala au Statut de Rome et d’aligner le régime juridictionnel de la CPI sur le crime d’agression avec les autres crimes principaux du Statut de Rome, comme détaillé dans la proposition élaborée par PGA. La compétence limitée de la CPI sur le crime d’agression (qui nécessite l’acceptation de l’État agresseur et de l’État victime ou d’un renvoi par le Conseil de sécurité de l’ONU) a suscité davantage d’attention depuis la guerre à grande échelle menée par la Russie contre l’Ukraine. L’affirmation du principe de responsabilité pénale individuelle en cas d’agression est cruciale pour lutter contre l’impunité, et les dirigeants impliqués doivent être poursuivis en temps utile. Pour compléter les autres initiatives visant à poursuivre le crime d’agression commis en Ukraine et contre l’Ukraine, à savoir via des juridictions nationales ou en établissant un Tribunal pénal spécial pour l’Ukraine, PGA est fermement convaincue que la mise en œuvre à long terme du principe de responsabilité est une question devant être abordée par la CPI, la seule cour permanente ayant une compétence potentiellement universelle sur les crimes internationaux les plus graves.
Les discussions portant sur la poursuite du crime d’agression sont de la plus haute importance, d’autant que le 24 février marquait le commencement de la guerre d’agression contre l’Ukraine, qui dure depuis un an déjà. PGA a publié une déclaration(disponible en anglais) pour réitérer sa condamnation de cette guerre illégale et pour saluer l’incroyable résilience et le courage des Ukrainiens face à l’horreur des atrocités et à l’immensité de leurs souffrances. La guerre d’agression contre l’Ukraine est avant tout une agression contre la population civile, dont les conséquences sont globales et impactent l’économie, l’environnement (article disponible en anglais) et la sécurité alimentaire (document disponible en anglais). Alors que l’année 2023 marque le 25ème anniversaire de l’adoption du Statut de Rome de la CPI, PGA renouvelle son appel à l’Ukraine et aux autres États non parties dans le monde pour que ces derniers ratifient le Statut de Rome et tous ses amendements, y compris l’amendement de Kampala sur le crime d’agression, et pour qu’ils mettent pleinement en œuvre cet instrument au niveau national.
PGA a également exprimé son enthousiasme pour la ratification de tous les amendements du Statut de Rome sur les crimes de guerre par l’Uruguay (article disponible en anglais),achevée le 21 mars. Ces amendements criminalisent non seulement l’utilisation de la famine comme méthode de guerre dans les conflits armés non internationaux, mais alignent également la liste des armes interdites dans les conflitsarmés non internationaux sur la liste applicable aux conflits armés internationaux en vertu du Statut de Rome. Ce développement est la concrétisation d’une initiative lancée par les membres de PGA en 2020.
Le 17 avril, PGA a appris avec une grande inquiétude que le militant et journaliste russe M. Vladimir Kara-Murza (article disponible en anglais), un opposant au régime du président Poutine, a été condamné à 25 ans de prison dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité. Le tribunal de Moscou l’a jugé coupable de trahison, de diffusion de « fausses » informations sur l’armée russe et d’association avec une « organisation indésirable ». PGA a exprimé sa solidarité et son soutien indéfectibles à M. Kara-Murza et à sa famille, et a condamné avec véhémence cette peine politiquement motivée, fondée sur des accusations fabriquées de toutes pièces et injuste, puisque prononcée à l’encontre de M. Kara-Murza pour avoir critiqué la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. En reconnaissance de son dévouement inébranlable à la défense des droits humains et de son objection envers les politiques répressives, la corruption et la guerre d’agression contre l’Ukraine, ainsi que de son plaidoyer en faveur de la liberté et en solidarité des communautés les moins visibles, M. Kara-Murza s’est vu décerner le Prix du défenseur de la démocratie 2022 par le Comité exécutif de PGA le 4 novembre 2022.
Une partie essentielle du travail effectué par PGA sous l’égide de la Campagne sur le système du Statut de Rome, consiste à se concentrer sur la promotion de la coopération, de la complémentarité et de l'universalité. À cet égard, PGA a célébré le 26 mai l’adoption de la Convention pour la coopération internationale(MLA – article disponible en anglais), également connue sous le nom de Convention de Ljubljana-La Haye. Cet important traité international est un outil crucial pour rendre justice aux victimes de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’autres infractions internationales. Son adoption constitue une occasion historique de renforcer la coopération juridique mondiale, d’améliorer les procédures nationales et d’aligner les efforts sur le principe de complémentarité. La Convention de Ljubljana-La Haye a été adoptée à l’unanimité lors de la 18ème session plénière de la Conférence diplomatique MLA à Ljubljana, en Slovénie, au cours de laquelle plus de 70 États, organisations internationales et organisations de la société civile, y compris PGA, ont participé au processus indépendant, initié à l’origine par l’Argentine, la Belgique, les Pays-Bas, la Slovénie, la Mongolie et le Sénégal en 2011. PGA a saisi cette occasion vitale pour appeler tous les États à signer et ratifier la Convention sans réserve. Pour lire les réflexions critiques de PGA sur la Convention, voir la contribution (disponible en anglais) de la directrice du programme, Mme Frederika Schweighoferova.
Ce premier semestre s’est achevé par une réunion de parlementaires des États d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et de l’Union européenne (ACP-UE), à l’occasion de la 43ème session plénière de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. Le 27 juin, le groupe de PGA au Parlement européen a organisé un déjeuner de travail visant à démystifier la CPI. D’éminents experts, représentants de la société civile et parlementaires du Ghana, de l’Italie, du Malawi, de Namibia, du Niger, du Parlement européen, de la République centrafricaine et du Suriname se sont engagés dans un dialogue ouvert détaillant les aspects cruciaux liés à la CPI et ont souligné l’importance de l’universalité du principe de responsabilité dans la poursuite de la justice et de la paix durable. La discussion a permis aux participants d’appeler « les dirigeants à montrer l’exemple », exhortant les pays du monde entier à une plus grande cohérence entre les paroles et les actes.
Lors de sa 22ème session, qui aura lieu en décembre 2023, l’Assemblée des États parties (AEP) de la CPI élira six juges qui occuperont un tiers des 18 sièges judiciaires pour un mandat non renouvelable de 9 ans (2024-2033).
Depuis le début de sa Campagne, PGA a souligné l’importance de sélectionner des juges hautement qualifiés. Ces derniers jouent un rôle crucial dans le maintien du principe de responsabilité pour les crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale, comme prévu par le Statut de Rome, mais aussi dans la garantie de la performance, de l’efficience et de l’efficacité de la CPI.
Le cadre juridique du Statut de Rome prévoit que les candidats judiciaires à la CPI « sont choisis parmi des personnes jouissant d’une haute considération morale, connues pour leur impartialité et leur intégrité et réunissant les conditions requises dans leurs États respectifs pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires ».
Cependant, les considérations politiques survenant pendant la phase de sélection nationale, où les procédures formelles sont souvent inadéquates, ont compromis la transparence du processus. Pour garantir que les juges de la CPI soient du plus haut niveau, il est donc essentiel que les États parties mettent en place des procédures de nomination nationales transparentes et fondées sur le mérite. Cela signifie qu’il faut garantir que seuls les candidats les plus qualifiés sont désignés par les États pour les élections judiciaires de la CPI.
Pour répondre à ces questions, PGA a développé un manuel pour les parlementaires, présentant des critères et recommandations spécifiques. L’objectif est de sensibiliser les parlementaires du monde entier et de les inciter à plaider pour que les gouvernements améliorent les procédures nationales de sélection des candidats aux élections judiciaires de la CPI, adoptent des pratiques équitables et transparentes, et établissent des critères donnant la priorité au mérite. Des procédures de nomination solides sont essentielles pour garantir que seuls les juges et juristes hautement qualifiés sont pris en considération lors du scrutin.