À l’initiative de trois parlementaires particulièrement actifs dans la défense des océans, Mme Marie Toussaint (députée européenne, France), Mme Caroline Roose (députée européenne, France), et l’Honorable Ralph Regenvanu (député, Vanuatu), cette Déclaration parlementaire mondiale pour un moratorium sur l’exploitation minière des grands fonds marin s’inscrit dans un contexte d’urgence, puisque les réglementations autorisant l’exploitation minière des grands fonds marins pourraient être adoptées dès juillet 2023.
Par cette Déclaration, les parlementaires du monde entier s’unissent pour appeler à un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins, pour adopter un principe de précaution afin de préserver ce patrimoine commun de l’humanité, et pour protéger les droits humains de toutes les personnes qui dépendent des océans.
La santé de notre planète dépend de la santé de nos océans. Couvrant plus de 70 % de la Terre et représentant 95 % de la biosphère, les océans sont les refuges d’une biodiversité unique, les alliés de notre combat contre le changement climatique, et un lieu appartenant à la culture de nombreuses communautés du monde entier.
Alors que les menaces qui pèsent sur la santé de nos océans se multiplient, liées notamment au changement climatique, à la surpêche, à la pollution plastique et au forage en mer, les océans sont confrontés à un nouveau danger : l’exploitation minière en eaux profondes. Les éventuelles sociétés minières en eaux profondes et les États les parrainant, se lancent dans une course à l’exploitation des fonds marins pour y trouver des minéraux de terres rares, notamment du nickel, du cobalt, du cuivre et du manganèse.
Si cette industrie émergente risquée venait à se développer, elle causerait des dommages considérables aux écosystèmes marins fragiles et aux millions d’espèces que ces derniers abritent, portant préjudice par la même occasion aux activités traditionnelles telles que la pêche, pourtant essentielle à la sécurité alimentaire et la subsistance des communautés côtières. Plus de 600 experts scientifiques et acteurs politiques ont déjà mis garde contre l’exploitation minière en eaux profondes, puisque celle-ci pourrait entraîner une perte de la biodiversité et des dommages irréversibles au fonctionnement des écosystèmes sur plusieurs générations, et puisqu’elle risquerait également de perturber le carbone enfermé dans les profondeurs de notre océan.
En outre, les océans et les écosystèmes des eaux profondes sont essentiels dans la lutte contre le changement climatique. En effet, en stockant d’immenses quantités de dioxyde de carbone, les océans sont les plus grands réservoirs de carbone au monde. L’exploitation minière en eaux profondes risque donc d’interférer avec le rôle tenu par les océans dans le stockage du carbone et la régulation du climat.
Les partisans de l’exploitation minière en eaux profondes affirment que les minéraux des grands fonds marins sont nécessaires à la transition écologique, en fournissant par exemple les composants des batteries de voitures électriques.1 Mais alors que certains acteurs de l’industrie et des États parrains font pression pour que l’exploitation minière en eaux profondes commence dès 2023, une nouvelle génération de batteries réutilisant ces métaux - ou ne les utilisant pas du tout – se trouve déjà sur le marché. Plutôt que de développer une nouvelle industrie extractive vaste, les États devraient investir dans de nouvelles technologies et de nouveaux systèmes qui réduiraient la demande de minéraux bruts par la réutilisation, le recyclage et une conception innovante. La transition verte ne doit pas se faire au détriment de la biodiversité et de la plus grande source de carbone naturel de notre planète.
Suite à la demande officielle de la République de Nauru en 2021 de commencer à exploiter les ressources des grands fonds marins, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) cherche actuellement à accélérer l’élaboration d’un Code minier qui pourrait être adopté dès juillet 2023. En d'autres termes, il ne nous reste qu’un an pour mettre fin à cette course irrationnelle et protéger les océans avant qu’il ne soit trop tard. Des inquiétudes ont également été soulevées quant à l’inadéquation de l’organisme qui régirait ce qui serait la plus grande opération minière de l’histoire, si cette dernière était autorisée. En l’état actuel des choses, l’AIFM et le Code minier proposé, obéissent à un programme clairement axé sur l’industrie : une évaluation scientifique indépendante est totalement absente.
Enfin, la ruée vers l’exploitation minière des grands fonds marins est incompatible avec les engagements internationaux en faveur de l’action climatique et de la sauvegarde de la nature, notamment de l’Engagement des dirigeants pour la nature et de la résolution 122 sur la “protection des écosystèmes et de la biodiversité des grands fonds marins”, adoptée par une écrasante majorité lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN en septembre 2021.
Nous, parlementaires du monde entier, engagés dans la protection des océans et des droits humains des personnes qui dépendent de ces océans, nous joignons aujourd’hui à l’appel croissant en faveur d’un moratoire mondial sur l’exploitation minière en eaux profondes.
- Nous sommes solidaires de nos collègues de l’Alliance des parlementaires du Pacifique sur l’exploitation minière en eaux profondes (disponible en anglais) et de tous les peuples du Pacifique (disponible en anglais), une région qui servirait de laboratoire si l’industrie de l’exploitation minière en eaux profondes devait commencer.
- Nous reconnaissons le soutien croissant (disponible en anglais) de la part des scientifiques, des organisations de la société civile, des entreprises et de certains États leaders, en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes, et nous demandons urgemment à tous les acteurs de se joindre à cet appel. Nous nous engageons à agir au niveau national et/ou régional, dans nos parlements respectifs, pour faire de cet appel une réalité.
- Nous appelons nos gouvernements à participer aux négociations au sein de l’AIFM, afin d’accroître le niveau de transparence du processus décisionnel de l’AIFM et de permettre à un plus grand nombre de voix en faveur d’un moratoire d’exprimer leurs positions.
- Enfin, nous appelons à une réforme complète de l’AIFM afin que celle-ci devienne un organisme de réglementation transparent, responsable, efficace et inclusif, engagé dans la défense des grands fonds marins.
Alors que les dirigeants du monde entier et d’autres acteurs clés vont se réunir à Lisbonne à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur les océans de 2022, il est temps d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Les enjeux sont tout simplement trop importants.
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Notes de bas de page
Signataires de la Déclaration parlementaire mondiale pour un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins
*In the absence of sitting parliamentarians and pending the parliamentary election on August 1, signatures from the Cook Islands represent parliamentary candidates.